Le Gala de Charité

Ce stupide gala de charité n'était qu'un prétexte pour mon père pour redorer un peu le blason de notre famille. A partir du moment où il avait invité tous les ploucs du coin, cela n'avait plus rien d'une soirée sophistiquée, malgré l'orchestre et le champagne coulant à flot pour masquer les apparences. Erika était venue plus tôt pour soit disant se préparer, essayant de m'aguicher tout en enfilant cette robe que je lui aurais sûrement arraché en temps normal, mais je n'étais pas d'humeur à ça. Depuis que Mark Jefferson s'était fait arrêter, je me sentais totalement perdu, je n'avais plus aucun repère. J'aurais voulu aller lui rendre visite en prison, mais non seulement on ne m'aurait jamais laissé entrer, mais en plus on m'aurait sûrement soupçonné. Il était sur un projet d'envergure et je l'assistais dans la réalisation de celui-ci. Nous étions loin d'avoir terminé le travail, donc son arrestation n'arrangeait pas nos affaires. Ne s'attendant pas à se faire choper, il ne m'avait donné aucune autre directive.

"Que dois-je faire ?"

Erika tenta d'attirer mon attention pour la énième fois avant de m'entraîner hors de cette chambre. Tandis que nous descendions dans l'escalier, je repensais à ce stupide mot signé Mark Jefferson que j'avais reçu. Cela ne pouvait être lui qui était caché derrière ceci, à moins qu'il ait un autre acolyte que moi, mais rien que d'y songer cela m'énervait. « Nathan ! Fit ma mère en surgissant de nulle part. Viens avec moi pour la photo de presse, ton père s'apprête à faire son discours ! ». Malgré mon peu d'envie, je hochais de la tête et abandonna ma partenaire pour rejoindre mes parents. L'orchestre avait entamé ses dernières notes et se tût finalement sous un tonnerre d'applaudissement tandis que nous montions rejoindre mon père sur scène. Dès qu'il y avait des caméras, il était un tout autre homme.

Terminant cul sec ma coupe de champagne, je rejoignais mes géniteurs sur scène et attendit que mon père ait fait son discours dans lequel je l'entendais vaguement remercier les invités qui avaient fait le déplacement, rappelant que les dons de ce soir permettraient de reconstruire une ville encore plus belle. A la fin, il vint nous retrouver ma mère et moi pour que l'on soit pris en photo par des journalistes. « Sourit ! » m'ordonna-t-il avant d'arborer son masque le plus sympathique et se tourner vers les photographes. J'esquissais un semblant de joie du coin des lèvres, puis sauta de l'estrade pour partir me réfugier au bar.

"Quelle soirée de merde..." marmonnais-je en m'allumant une cigarette.

"Ça s'est bien rempli depuis tout à l'heure..." fis-je remarquer à Nate d'une voix monotone depuis la fenêtre de la chambre de ce-dernier qui donnait sur l'immense jardin de la propriété où l'on pouvait d'ores et déjà compter les invités par centaine. L'héritier Prescott ne me répondit pas. Assit sur le bord de son lit, il regardait le plafond d'un air hagard tout en se fumant une cigarette. J'en profitais alors pour sortir de sa cachette le papier que j'avais reçu, signé Mark Jefferson. Si une partie de moi n'en avait absolument rien à faire, l'autre était un peu plus inquiète. "Ce taré croupis derrière les barreaux, pensais-je en me mordillant la lèvre. Cela ne peut donc être lui...Cependant, ce n'est pas comme si les habitants de ce trou n'étaient pas tous aussi bizarres les uns que les autres !"

Tirant avec désinvolture le rideau, je rangeais le message dans mon soutien-gorge et m'approcha de Nathan sur qui je m’assisse pour attirer son attention. Après un baiser de quelques secondes, je me relevais et lui pris la main pour se forcer à se lever. "Allez, viens. Sinon ton père va encore passer ses nerfs sur toi !". Il avait l'air totalement ailleurs...plus que d'habitude. Vêtue d'une jolie robe des années 20, je sortais tout droit de Gatsby le Magnifique. Nathan était très élégant également avec son costume. "Quelque chose te préoccupe ?" finis-je par lui demander, irrité par son silence. Il me jeta alors un regard glacial au moment où sa mère nous coupa pour le prendre avec lui le temps que Sean Prescott fasse son discours. "Ok, on se retrouvera plus tard !" marmonnais-je à Nathan avant de tourner des talons et m'emparer au passage d'une coupe de champagne que des domestiques distribuaient sur des plateaux en argent.

Une fois mon verre à la main, je gagnais le jardin pour la première fois de la soirée et écouta dans mon coin le discours de Sean tout en me demandant ce que je devais faire au sujet de ce mot étrange que j'avais reçu, signé MJ. Le mot précisait bien qu'il y aurait une conséquence si je n'exécutais pas gentiment l'action demandée. En temps normal, j'aurais roulé en boule le papier et l'aurais jeté avec désinvolture quelque part, mais je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre. Je ne devais sans doute pas être la seule à avoir reçu quelque chose. "Je vais mener ma petite enquête sur ce salop qui pense pouvoir me manipuler comme bon lui semble ! » pensais-je en arrachant à un larbin  un plateau de petits fours et commença à faire la distribution. C'était ça ma mission : m'abaisser à être une esclave. "Il n'y a que dans mon lit que j'accepte de l'être, avec Slave For U en fond..." pensais-je en me dandinant vers le bar, tout en me disant qu'au moins j'avais la classe pour une domestique.

C'est alors que mon talon s'enfonça un peu trop dans l'herbe et je valsais légèrement en avant, parant de justesse ma chute avec mon autre pied. Cependant, je vis le plateau voler de mes mains pour venir s'écraser contre le dos de quelqu'un en face. "Oh merde !" me dis-je un peu gêné tout en ayant une horrible envie de rire. L'homme se retourna et j'eus la bonne ou mauvaise surprise de réaliser qu'il s'agissait de Monsieur Holtz le professeur de cinéma de Blackwell.

"Je suis confuse, lâchais-je en me mettant une main devant mes lèvres rouges pour masquer mon hilarité. Je vous aurais bien aidée, mais je suis très prise ce soir, voyez-vous...Vous n'avez qu'à demander à votre conjoint. Je suis sûre que Monsieur Scott sera raaaaavis de vous essuyer le dos. Il doit avoir l'habitude et puis, il est là pour ça, non ? Bonne soirée professeur."

Ne lui laissant pas le temps de me répondre quoique ce soit, je pivotais sur moi-même et partis ailleurs. Tant pis pour ma mission. Je l'avais remplis à seulement 15%, mais mon mystérieux commanditaire allait devoir se contenter de ça. "Bon...où est passé Nate ?!" me demandais-je en circulant aléatoirement dans la foule.

Quelques mois auparavant une terrible tempête avait ravagée Arcadia Bay, détruisant la plupart des bâtiments de la ville. Par chance, mon immeuble n'avait pas trop souffert excepté les vitres cassées et quelques uns de mes meubles renversés. Lorsque je reçus l'invitation au gala de charité des Prescott, je me dis dans un premier temps que c'était une bonne idée. Mais plus la date approchait et plus ma motivation baissait pour tourner autour du zéro. Les soirées mondaines, ce n'était pas trop mon truc. Il fallait s'habiller, sortir, être sociable...Pourtant, de mystérieuses forces allaient me pousser à y aller.

Lorsque je me réveillais ce matin là, j'allais chercher mon courrier en attendant que le café coule dans la machine et, excepté quelques publicités, je trouvais une étrange enveloppe avec un mystérieux mot signé Mark Jefferson. Le cœur tambourinant dans ma poitrine, il me fallut plusieurs minutes pour reprendre mes esprits. Non, cela ne pouvait être lui. Impossible. Le pauvre était en train de moisir en prison. Mes fins sourcils se froncèrent d'eux-mêmes tandis que je regardais le contenu de la lettre. Un message me demandant de pousser trois personnes à remplir leurs missions, auquel cas une terrible conséquence allait tomber sur moi.

"Génial..Il ne manquait plus que ça !"

Et c'est comme ça que je me retrouvais en robe cocktail et en talons dans luxurieuse propriété des Prescott, un verre de champagne à la main, me demandant ce que je faisais là et comment j'allais m'y prendre exactement. Portant mon verre à mes lèvres, je sirotais tranquillement la boisson couleur or lorsque Nathan Prescott me passa sous le nez. Je savais que Mark et lui étaient proches et, vu l'état dans lequel il semblait être, c'était le moment de frapper. Je le suivis alors jusqu'au bar et, avant que quelqu'un ne vienne lui parler, je lui tapotais l'épaule.

"Tu en fait une tête Nathan pour quelqu'un qui sera demain à la une de tous les journeaux de l'Etat ! Lui glissais-je amusée, une entrée subtile en matière. Le jeune homme m'observait d'un air méfiant, se demandant pourquoi un prof de Blackwell venait lui adresser la parole. Est-ce que tu aurais toi aussi reçu un mot étrange ?"

A voir ses yeux s'écarter comme s'ils allaient sortir de leurs orbites, je compris que j'avais frappé dans le mille. Je lui fis alors un signe de tête pour que l'on s'écarte un peu. J'allais devoir choisir soigneusement mes mots pour ne pas éveiller ses soupçons, l'heure des révélations n'étant pas encore arrivée.

"Que dit-il ?"

Il hésita à me le montrer, mais finit par le sortir de sa poche. Celui-ci disait : "Danse avec toutes les demoiselles présentes". Hm, cela n'allait pas être une mince affaire, si ce n'est carrément impossible. "Si tu veux découvrir qui se cache derrière tout ça, je te conseille de faire un effort pour honorer ta mission. Certes, tu ne pourras jamais danser avec toutes les filles de la soirée, mais sûrement quelques unes suffiront ?". Je haussais des épaules et me préparer à m'éclipser lorsqu'il me retint par le bras, me demandant pourquoi je faisais cela, qu'est-ce que j'avais à y gagner.

"Moi ? Rien du tout. Sache simplement que je suis ton alliée !"

Retirant sa main, j'allais voir ailleurs et tomba sur Elijah dont cette peste de Erika venait de lui étaler le dos de petits fours. "J'arrive au bon moment !" plaisantais-je en sortant un paquet de mouchoir de mon sac à main et entreprit de nettoyer un peu le dos de mon collègue.

A peine avais-je eu le temps de tirer une taf qu'une main vain me tapoter l'épaule. Roulant des yeux, je me tournais vers celle que je pensais être Erika, mais qui se révéla être Madame Proust, la prof d'arts plastiques. "Qu'est-ce que vous voulez ?!" lui lançais-je nonchalamment, pas d'humeur à faire des efforts, même avec un instit de Blackwell. Mon visage s'assombrit lorsqu'elle mentionna le fait que j'allais avoir ma tête sur les torchons de la région. L'envie de lui jeter mon verre sur la figure avoisinait des 90%, mais je ne tenais pas à gâcher ce bon whisky. Alors que j'allais prendre congés, Madame Proust mentionna quelque chose qui me fit blêmir.

"Comment êtes-vous... ?"

Je n'étais donc pas le seul à avoir reçu un étrange message. Ou bien je l'étais et Madame Proust était complice. Mais cela ne tenait pas la route...Elle était sans doute la prof la plus bizarre du bahut, en dehors du prof de musique. Malgré ma forte hésitation à lui montrer le mot que j'avais reçu, j'étais bien curieux de la tournure que prenait cette conversation. Je sortis alors un petit papier de ma poche et le lui tendit, m'interrogeant mentalement sur ce qu'elle pourrait bien déduire. Mais ses mots furent décevants. Je n'avais pas besoin de son avis, ni qu'elle me dise quoi faire, j'étais suffisamment grand pour agir par moi-même. Elle me rendit le message avant que j'ai à le lui arracher des mains, puis s'apprêta à partir. Ne sachant pas trop pourquoi, je la retins par le bras et me sentis obligé de lui parler pour ne pas avoir l'air d'un idiot.

"Pourquoi faites-vous ça ?!"

La rouquine me répondit simplement être mon alliée, puis s'en alla aussi vite qu'elle était arrivée. Très étrange cette femme. Que voulait-elle dire exactement en mentionnant être dans mon camp ? Cherchait-elle également à découvrir qui se cachait derrière ce pseudonyme ? Mais dans quel but ? Qu'avait-elle à y gagner ? "Peut-être qu'elle a elle aussi reçu un message ?" me questionnais-je avant de m'en retourner vers le bar et apercevoir Kyle que je n'avais pas revu depuis un petit mot. "Salut mec !" lui dis-je sans sourire en remarquant qu'il était avec ce garçon avec qui il traînait assez souvent "Nulle à chier cette soirée, hein ?"

L'homme qui me faisait face n'avait pas encore répondu à ce que je venais de lui dire, que je repérai alors un visage familier se rapprocher de nous deux. En voyant l'air rebelle de Clyde, je ne pus que le gratifier d'un sourire radieux, et je me mis à rire en l'entendant me demander si je ne passais pas ma vie à torturer des garçons sur le terrain avec Dana. Sacré Clyde.

- Ce soir, je viens plutôt afficher cette robe aux yeux de tous, puisque je n'ai jamais de véritables occasions de la mettre... ça te va à ravir, les soirées de gala, d'ailleurs.

Je le regardais de la tête aux pieds avant de faire une petite moue satisfaite, comme si je validais son style. Je me remis alors à rire avant de me tourner légèrement vers la personne au costume bleu. Je m'égarais alors un moment, repérant au loin une jeune femme observer Clyde, visiblement, et s'approcher de nous avant de se stopper net. Elle semblait se sentir seule, et me donnait l'impression qu'elle avait besoin d'être sauvée de son ennui mortel. En voyant, au passage, Nathan Prescott et Erika White dans les parages, je fis signe à Clyde et mon nouvel ami au costume bleu que je revenais. Je m'éloignais aussi vite que possible des deux trublions de Blackwell avant de me rapprocher de la jeune femme, avec un sourire.

- Tu m'as l'air de vouloir t'amuser un peu, je me trompe ?

Je lui adressais un sourire bienveillant avant de lui tendre la main pour me présenter.

- Je m'appelle Graziella, enchantée de faire ta connaissance ! Je crois que je t'ai déjà croisée à Blackwell, tu ne serais pas en première année en cursus d'art ? Je suis en deuxième année pour ma part.

Autant faire les présentations comme il fallait ! Je finis alors par lui faire signe de me suivre, lui prenant quand même sa main de libre pour l'entraîner avec moi vers Clyde et costume bleu. Je bus quelques gorgées de champagne, puis souriais à mes trois nouveaux camarades.

- On fait quelque chose d'amusant ? Un jeu par exemple ?

Après avoir eu l’approbation d’Elijah, j’allais discuter avec le chef d’orchestre un instant. Un homme assez hautain mais compréhensif, malheureusement, il ne pouvait pas faire grand chose pour ce violoniste qui n’était pas dans son assiette aujourd’hui. Ce que je comprenais totalement, on ne pouvait pas avoir la maîtrise de chaque élément. La conversation dériva un instant sur la musique. Mais je ne pouvais pas laisser Elijah tout seul non plus. Ce dernier nous avait attraper des coupe de champagne et nous avions trinquer avant de boire. On est d’accord, hein, une boisson ce n’est pas de l’alcool, hein ?

Je sais pas trop ce qui se passait, mais depuis que Clyde était parti, Elijah n’avait pas décoché une seule parole. Il y avait clairement quelque chose qui n’allait pas. Je tournais la tête vers lui décidé à lui demander ce qui n’allait pas… pour me retrouver avec un petit-four sous le nez. Nooooon ! J’étais censé me tenir à un mètre de toute nourriture et Elijah venait de tout ruiner. Perplexe, je regardais à droite et à gauche avant d’ouvrir la bouche et de manger le biscuit. De toute façon, qu’est-ce qui pouvait m’arriver ? A ce que je sache, Jefferson était derrière les barreaux. Et là, je venais de manger, personne, ni rien n’avait explosé ? Ce n’était pas l’apocalypse ? Alors va te faire voir le pervers à lunettes !

Etrangement, depuis que je m’étais auto-affranchi de cette menace, je me sentais plus léger. Au même instant l’orchestre entama un slow et rien qu’à la tête d’Eli je pouvais en conclure qu’il voulait qu’on aille danser, il ne me demanda pas mon avis pour me direz vers la piste de danse alors que je soupirais. J’étais nul pour danser un plus… J’essayais de me concentrer pour ne pas trop lui marcher sur les pieds et à chaque fois que ça arrivait, ça le faisait rire. Bref, notre danse ne dura pas bien longtemps. Le karma qui nous rattrape encore. Et un plateau qui s’éclate dans le dos d’Elijah. C’est quoi cette soirée sérieusement ?

Je ne tardais pas à reconnaître une de nos élèves, Erika White, qui s’excusa. C’était à se demander si elle était vraiment désolé et si elle n’avait même pas fait exprès de se débarrasser de son plateau de la sorte, afin de pouvoir placer cette sorte de pique. J’échangeai un regard perplexe avec Elijah sans trouver quoi répliqué. De toute façon, elle était déjà repartie. Et Madeleine vint à notre secours armée d’un paquet de mouchoir.

- Oh ! Salut Maddie, merci ! C’est un sacré numéro cette fille…

J’avais suivit Erika du regard, mais elle s’était déjà perdu dans la foule. Mon regard revint vers Elijah et Madeleine. Je lâchais un soupire en repensant à cette soirée. Entre Elijah qui ne me parle pas, ce défi raté et maintenant les petits-fours renversé… J’enlevais ma veste et la tendis à Elijah :

- Tiens chat, met ça et donne-moi ta veste, j’vais essayer de trouver une salle de bain pour nettoyer ça, comme ça je pourrais enlever mes lentilles aussi, elles commencent à m’agacer.

Je n’avais pas l’habitude de porter des lentilles de contact, ça se sens non ? Enfin, j’en avais déjà porté par le passé, mais j’avais l’impression que ça faisait des siècles et vu que je ne portais pas de lentilles de vues non plus… Bref, j’avais bien envie de m’en débarrasser. Une fois que mon échange de veste avec Elijah fut fait, je déposai un baiser rapide sur sa joue (laissant une marque noire au passage), et le laissai avec Madeleine à la recherche d’une salle de bain.

J’aperçu à nouveau Erika, qui tournait dans la foule, elle semblait bien connaître les lieux. Je n’avais pas cette fille dans ma classe, mais elle faisait partie des filles populaires et j’avais entendu son nom dans la salle des prof, bref, ce n’était pas l’étudiante qu’on pouvait rater à Blackwell. Et je savais qu’elle était proche de Nathan, donc peut-être qu’elle pourrait m’aider. Je la rattrapai :

- Excusez-moi Miss White, est-ce que vous sauriez où je pourrais trouver une salle de bain ? Vous savez, histoire de nettoyer la veste de mon conjoint, parce que je suis toujours raaaaavis de lui essuyer le dos.

Est-ce que j’en profitais pour me venger un peu au passage ? Possible. Mais je vous jure, je n’avais aucune mauvaise intention. Et quelque chose me disait qu’elle allait m’envoyer paître. Mais bon, ça valait le coup d’essayer.

En dépit de mon mutisme, je me sentais si bien, le front reposant contre celui de mon petit-ami tandis que nous nous prêtions à un slow maladroit. Je rigolais, résistais à l’envie de le complimenter et de lui susurrer mes mots doux habituels… Pourtant la scène était romantique. Ok, il était un peu flippant avec ses lentilles rouge écarlate et sa moitié de visage digne d’Halloween mais nous n’étions plus à un jeu de rôle près ! Malheureusement, notre bulle fut violemment brisée lorsque quelque chose s’écrasa dans mon dos. S’ensuivit un vacarme que j’imaginais être celui du plateau à mes pieds, une fois retourné. Pas besoin de mener l’enquête pour déterminer la nature de cet « accident » que je soupçonnais être volontaire. Aucun de nous n’eut le temps de répliquer en réaction au venin mal-placé qu’elle venait de cracher que l’étudiante avait déjà décampé. Je serrais la mâchoire, mon sang ne faisant qu’un tour. Je n’en avais que faire de l’état de ma veste. Ce n’était pas ce qui me mettait en rogne. Combien de fois devais-je rappeler que je haïssais que l’on s’en prenne à Teddy ? J’avais dû être un bouledogue dans une autre vie car j’avais une sérieuse envie de mordre là tout de suite. Quel manque de respect. Bien de la chance qu’elle ne soit dans aucune de mes classes. Par contre, je demanderai à Alec de cracher dans sa commande au Croissant de Lune si elle s’y pointait un jour. Si je n’avais pas échangé la moindre parole avec elle, sa réputation au sein de l’Académie la précédait et autant dire que ce n’était pas glorieux. Je détestais les rumeurs et préjugés, mais elle venait de me prouver qu’ils étaient fondés.

Par grâce (wo ça fait tellement classe comme formulation), Madeleine arriva à point nommé et commença à nettoyer le plus gros des dégâts sans le moindre embarras. Après notre soirée sur la plage, ce n’était pas ça qui menacerait nos barrières personnelles. Suivi par l’intervention du brun, je me demandais si ce n’était pas à complot pour m’apaiser avant que je parte en live. La bonne nouvelle était que cela fonctionnait. Je soupirais un bon coup, repris un long bol d’air, et sentit ma respiration reprendre un rythme normal. Bientôt, je me retrouvais avec l’habit – trop court et qui me boudinait puisque, let’s face it, nous n’avions pas dû la même morphologie - de mon homme sur le dos tandis qu’il s’éloignait à son tour. J’aurais aimé le remercier pour son geste, m’excuser d’avoir sérieusement menacé de m’emporter mais… Cela devrait attendre que nous soyons seuls. L’idée que je devais avoir l’air d’un chemineau avec mon tache noire sur la joue ne me traversa même pas l’esprit. Dans un sens, j’étais soulagé de me retrouver en tête à tête avec ma collègue. Je pouvais enfin utiliser ma langue. Enfin… Vous voyez ce que je veux dire.

- Merci ! Je crois que les ragots autour de cette Erika – c’est ça ? – ne sont finalement que des euphémismes, déclarais-je avant de lui adresser un sourire. Et toi ? La soirée te plaît ? C’est un peu snob mais jusque-là ce n’est pas si terrible que ça…

J’avais assisté à bien pire finalement. Maintenant que j’avais goûté à la bonne humeur, je me décontractais enfin. Mon attrait en direction des boissons alcoolisées s’était même envolé et je croisais les doigts pour sauver les prochaines heures de ma déprime précédente. L’orchestre semblait avoir entendu mes prières puisqu’ils entamèrent une musique jazzy. Très vite, les rires s’élevèrent de la piste, les plus coincés paraissant choqués d’un tel choix. Nous étions toujours au XXIème siècle rassurez moi ?

- M’accorderiez-vous cette danse ? J’ai bien l’impression que cela devient une tradition dès que nos chemins se rencontrent en-dehors de Blackwell !

Je pouffais de rire puis l’entraînais un peu plus loin – là où s’était propre – avant de commencer à… gesticuler. Oui, c’était le terme le plus adapté à la situation. Je faisais tout simplement n’importe quoi tout en essayant de rester en rythme avec le tempo du titre, invitant Madeleine à en faire de même. Il n’y avait pas duo plus cinglé que nous pour cette activité. Et tant pis si cela attirait de nouveaux regards indiscrets. Je n’avais jamais plus tellement d’allure avec ma veste miniature donc bon…

- La prochaine fois on s’entraîne pour le porté de Dirty Dancing ! réussis-je à prononcer, presque essoufflé par ce grand n’importe quoi.

Si mon petit-ami posait son regard sur nous, il se demanderait sûrement quel démon s’était emparé de son chat ! Y a que moi que cette formulation dérange ?