Plus ardent que le feu des volcans (Peter, Teddy & Elijah)

On aurait dit deux gamins, à se lancer des grimaces dès que les parents avaient les yeux tournés. Je pouffais de rire discrètement, ravi que ma cible se soit prise au jeu que je venais d’inaugurer. Au moins, cela nous détendait tandis que la tension du couple nous frappait de plein fouet (déjà que je n’étais pas des plus décontracté de base…). J’appréciais l’alchimie qui s’était installée entre nous depuis notre première soirée en-dehors du cadre professionnel. À croire que je pouvais tout dire et tout faire, Teddy n’y verrait jamais matière à s’offusquer. Tant mieux, je détestais les drama queen. C’était ce qui m’attirait chez lui. Sa personnalité, son caractère tendre qui lui permet de rire de tout et de rien, parfois même à outrance. Les personnes se prennent de plus en plus la tête en vieillissant (preuve en est). Excepté lui. Une perle rare en quelque sorte. Je m’interrogeais alors quant à s’il en avait conscience ou non. Je devrais lui partager mon point de vue un de ces quatre. Tester sa réaction à une telle déclaration. Oui, à croire que je venais d’inventer une nouvelle catégorie de torture malgré moi. À sa provocation, je mettais les deux mains à la verticale, paume ouverte comme si j’étais innocent et sans défense.

- Qui suis-je pour m’en plaindre ?

Je lui fis un clin d’œil en retour. Les allers et retours des membres de la famille de la psychologue s’enchaînaient, mais leurs motifs demeuraient flous au possible. Son frère nous approcha dans le but de prendre une photo de groupe. J’esquissais instinctivement un semblant de sourire pour ne pas tirer une tronche de douze pieds de long sur le cliché. Étaient-ils sérieusement en train de parier sur lequel de nous était son petit-ami ? Il s’agissait de l’unique scénario qui me paraissait un minimum vraisemblable. Face à elle, la réflexion que je devais être largement soupçonné m’atteint telle une flèche. J’aurais mieux connu Ophélia, j’en aurai profité pour prendre sa main dans l’optique de les faire tourner en bourrique. Pauvre Peter, il devait être le dernier suspecté au vu de son emplacement autour de la table. J’avais un peu pitié pour eux.

J’allais répliquer lorsqu’on nous distribua un questionnaire et des stylos sans crier gare. La blonde était évidemment épargnée. J’affichais une mine polie reflétant une gratitude improvisée que je jugeais plus approprié que la moquerie. C’était un sacré cirque, mais c’était à des kilomètres d’être méchant. Au moins, nous savions à quel point il tenait à elle. Touchant finalement. À cette allure, j’avais hâte de savoir comment s’achèverait notre dîner. En catastrophe probablement ? Je me demandais ce que pouvait ressentir ma voisine à l’instant présent. Coincée dans son coin, il lui était difficile d’intervenir, mais ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase puisqu’elle entreprit d’enjamber Teddy avant de s’élancer en direction de la cuisine.

Je lu la feuille de papier, béat de devoir y indiquer s’il y avait des cas d’obésité ou de maladies génétiques dans ma famille. Nazi ça compte ? Si oui, j’étais sûr d’être recalé en moins de deux. Eh ! Aux dernières nouvelles, ce n’est pas comme si tu souhaitais réellement réussir ce test et décrocher… Ophélia à défaut d’un diplôme. Je dis alors, d’un ton humoristique :

- Ça se mérite d’entrer dans la famille. Bon courage. Juste le temps de digérer et j’espère que tu seras prêt à te mettre au travail pour leur donner des descendants.

Je ne précisais pas à qui je m’adressais. C’était logique pour moi. J’ignorais que le professeur de musique était resté dans l’ombre quant à la relation entre les deux autres. À voir ce qui se passerait ensuite.

Dois-je vraiment mentionner l’épisode de la bestiole qui vient lamentablement périr dans la soupe du garçon ? La blonde était de retour, et mes abdos me faisaient un mal de chien tellement j’avais l’impression de rendre l’âme. Mes yeux pleuraient, et mon poing contre ma bouche contenait mon rire avec difficulté. La scène était juste épique. Son cri d’horreur, le suicide pathétique de la bête, les tâches qui assombrissaient la pauvre chemise de mon ami… Tout ça me faisait plus d’effet que le gag le plus efficace de la meilleure sitcom existante. À croire que mes nerfs lâchaient après l’atmosphère pesante instaurée dès notre arrivée. Je pris tout de même la peine de lui signaler du doigt qu’il devait s’éponger avant de lancer :

- Si toutes les soirées sont comme ça ici, tu peux me compter parmi les habitués Ophélia !

Nos commandes arrivèrent après le désastre du criquet. Au moins, ça n’avait pas tarder, ce qui ne devait pas être pour la déranger. J’étais prêt à parier que les tourtereaux prendraient leurs jambes à leur cou dès que possible. Le « test écrit » avait officiellement été annulé par la demoiselle, mais le mien était déjà rempli. Oui, j’étais assidu. Par pur amusement, je tendis donc ma feuille à la mère d’Ophélia qui servit mon plat. Mes dents découvertes dans un large sourire, elle sembla accueillir le lot avec beaucoup de plaisir. À en croire l’illumination sur son visage, je venais d’acquérir sa reconnaissance éternelle. Je haussais les épaules en guise de première réponse aux mines que l’on m’adressait (Teddy avait même arrêté de se débattre avec sa serviette).

- Quoi ? Je risque de prendre cher mais… au moins, je me suis attiré leur bienveillance. C’est pour la bonne cause.

Si Teddy n’a toujours pas compris, ce n’est visiblement pas le cas d’Elijah. En même temps, la relation entre Ophelia et moi n’est pas secrète. Intelligent, aime ses blagues… Teddy a intérêt à ne pas le laisser filer celui-là. J’ai soudainement une drôle de vision, Teddy et Elijah sur un canapé à boire du thé comme un couple « parfait » des années soixante, Teddy racontant des jeux de mots de mauvais goût, Elijah riant aux éclats les yeux brillants d’admiration en lui disant « Oh mon Teddychou, tu me rends hilare ». Je me doute que s’ils se retrouvent sur un canapé, ce n’est pas du tout CA qui va se produire… Mais ça me plaît bien comme image.

« Peut-être même qu’il y a des aphrodisiaques glissés dans la nourriture. Un jour j’ai vu un reportage qui faisait la liste des produits consommés en Chine pour une meilleure fertilité ou servir d’aphrodisiaque, des asticots vivants, du sperme de tigre, un testicule de chèvre unijambiste – après ça dépendait de la région, chaque village a ses coutumes et… et... » Ouaip, ce n’est pas très approprié de parler de ça à table avec Teddy qui a la bouche pleine. Je ris avec l’association d’idée, mais me stoppe en sentant quelque chose dans mes cheveux. Je souris en voyant que c’est Ophelia qui revient.

Ne pas faire attention aux formulaires ? Ah. J’en ai déjà rempli la moitié. Mais c’est pas plus mal, j’étais sur le point de passer aux questions un peu trop personnelles comme « avez vous déjà été marié ou fiancé ? ». Enfin bref. Si je fais la liste, j’ai pratiquement aperçu tout le monde, non ? La mamie que j’ai rencontré en auto-stop, mamie Shang qui semble s’être entichée de Teddy, les parents, le criquet familial (paix à son âme),  le frère, et le grand-père super flippant qui… qui, je le vois en me retournant, m’observe toujours par le hublot de la fenêtre. Enfin, il nous observe tous, probablement. Mais j’ai comme le sentiment qu’il essaye de lire mon âme pour lancer une malédiction sur ma famille. Son regard agit comme les détraqueurs dans Harry Potter, quand on le croise, c’est comme si on n’allait plus jamais être heureux. Brrr.

Je reçois ma commande, et je me demande si c’est un hasard si les morceaux de tofu dans mon plat forment un cœur. Enfin, un semblant de cœur. A tous les coups c’est mamie Wan (je ne connais pas son nom donc) : l’autre a exprimé son penchant pour Teddy, et le grand-père n’a pas l’air du genre à faire ça. Peut-être qu’en cuisine, les deux grand-mères se battent pour savoir lequel finira avec Ophelia. Ou alors, le grand-père flippant cache en fait un grand cœur et m’observe pour capter ma réaction face à ce cœur en tofu.

Oh. Elijah a rempli tout le formulaire. Et moi je ne l’ai même pas fini. Teddy n’a rien fait, mais c’est Teddy. J’ai l’impression d’être l’élève qui découvre à la fin du contrôle que la page est recto verso. Il était obligé, de faire ses devoirs correctement ? En plus, comme je n’ai pas rempli certaines questions, les Wan vont croire que je cache quelque chose. Je donne quand même ma feuille à Mme Wan, qui me sourit, mais avec nettement moins d’enthousiasme qu’avec Elijah. Il faut que je me détente. Ce n’est pas très grave, après tout Teddy a tué un criquet magique et personne n’a hurlé au meurtre…

« Teddy, cache le criquet. S’ils voient que tu l’as tué, je ne pense pas que tu resteras leur client préféré... »

D’ailleurs, est-ce que ça va lui porter malheur ?

« Ophelia, quels membres de ta famille sont présents ? Je me demandais s’il y avait aussi des oncles et tantes. » Manquerait plus que ça tient. « Et tu peux nous dire leurs noms ? Histoire que je, enfin qu’ON ne fasse pas de gaffes. »

Un groupe d'étudiants passent devant le restaurant et commencent à lire le menu à l'extérieur, avant de voir leurs professeurs/psychologue scolaire. Ils se retiennent tous de rire, et se poussent entre eux avant que l'un de ces jeunes ne se mette contre la vitre, entre Elijah et Ophelia en faisant mine de les embrasser tous les deux, avant de partir en courant et en riant, tandis que le second grand-père (Shang) sort du restaurant en les poursuivant et en hurlant en chinois.

Quelle soirée. Je remarquai en regardant chaque garçon, que Teddy avait été le seul à m'écouter en ne remplissant rien.. puis je me retins de rire en plissant les lèvres, lorsque Elijah tendis son formulaire rempli à ma mère, puis Peter, gêné, fit de même mais n'avait pas tout rempli. J'étais gênée que ma famille agisse comme ça, car ça mettait probablement Peter mal à l'aise. Puis je finis par sourire et regardais Elijah. Il avait l'air de s'amuser lui au moins. J'étais quand même contente, puis ma grand-mère arriva en disant à Teddy qu'elle avait tout parier sur lui, et lui donna le criquet solennel de la famille... Il s'appelait Philippe. C'est mon frère qui avait choisi le nom. C'est alors que je perdis mon sourire lorsque Teddy fit "tomber" un membre de ma famille dans sa soupe. « PHILIPPE ! » Je tentais alors de prendre des serviettes pour attraper le criquet avec, peu importait la soupe de Teddy. Je réussis tant bien que mal à sortir le criquet encore vivant, et lui versais un peau d'eau dessus pour le rafraichir. Je paniquais, je lui soufflais dessus, puis je finis par lui faire un semblant de bouche à bouche en soufflant dans sa bouche et en comprimant doucement - très doucement - son coeur. Philippe reprit difficilement ses esprits, puis sauta dans mon verre d'eau plus très rempli, pour soigner sans doutes ses brûlures. Mon pauvre petit Philippe... Puis je relevais la tête vers Elijah.

« Et bien, si ça ne comprend pas l'assassinat du criquet de la famille, ce sera un plaisir... » Je lançai un regard noir à Teddy avant de lui donner un coup de baguettes sur la tête pour le punir. J'avais eu envie de lui mettre dans l'oreille, mais avec Teddy ça pouvait se finir rapidement au désastre, alors bon... Puis c'était pas super comme idée. Tant pis. Philippe lançait un regard noir à Teddy. Le pauvre. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde avait enterré ce pauvre criquet au lieu de le sauver comme je venais de le faire... « Bon, tu iras présenter tes excuses pour Philippe, Teddy... et prie pour qu'il survive à cette tentative de meurtre ! » Puis Peter me posa une question, et j'ouvris de grands yeux. Tiens, on était combien ici ? Après avoir fait un rapide calcul, je lui adressais un sourire.

« Il y a juste mes grands-parents - Shang - maternels, les Wan, mes parents, mon frère et moi normalement. Mais je crois que j'ai aussi un oncle qui bosse en cuisine en ce moment. Oh, papy Shang nous observe de la cuisine ! Hm. Les noms... Mamie Shang est allée voir Teddy donc, dans la cuisine c'est son mari, mes deux autres grands-parents sont... quelque part, et ce sont les Wan, donc en fait vous pouvez les appeler Monsieur/Madame Wan/Shang ! » Je finis alors par soupirer en regardant de nouveau Philippe, puis je le laissais se guérir un petit peu là avant de commencer à manger mes raviolis chinois. Puis tout à coup, après avoir avalé un ravioli, je vis un étudiant nous fixer et embrasser la vitre près d'Elijah et moi, et je commençais à me lever lorsque j'entendis mon grand-père lui courir après... Puis finalement, je repris ma place lentement avant de regarder partout autour de moi sans bouger la tête. « Il y a de l'animation aujourd'hui... »

P.S.:

Wtf ? Mais quelle famille à un criquet pour animal de compagnie ? Même le concept du poisson rouge je comprenais mieux que ça. Puis pourquoi mamie me l’avais donné à moi hein ? J’étais une catastrophe avec les animaux, insectes y compris ! Regardez moi, ce pauvre Philippe qui avait préféré sauter dans ma soupe plutôt que de rester une seconde de plus dans ma main. J’avais bien cru que la bête allait y passer avant qu’Ophelia ne lui sauve la vie. Elle avait des réflexes, on ne pouvait pas lui enlever ça. Et je me demandais où elle avait bien plus attendre à faire un massage cardiaque à ce criquet. C’est sûr que ce n’était pas avec ça que j’allais bien me faire voir par la famille d’Ophelia. Mais pourquoi j’aurais besoin d’essayer de bien me faire voir ? J’avais du mal à comprendre pourquoi cette compétition ici.

Et je m’en fichais, je ne voulais être meilleur que personne à cette table. Il n’empêche que je n’aimais pas trop ça. Depuis quand Elijah et Ophelia se lançaient des sortes d’invitations détournées ? Est-ce que j’allais regretter d’avoir dit à Elijah de venir ce soir ? Mh… Je sais pas. Mais c’était cool s’il s’entendait bien avec ma coloc après tout. Il fallait voir le bon côté des choses. Puis ce n’était pas tout le monde qui arrivait à apprécier Ophelia non plus. Enfin, l’apprécier ça allait, après la supporter tous les jours, c’était autre chose. Arhem, mais on en était pas là avec Elijah non plus. Il n’était venu qu’une fois à la maison, il faut se calmer Teddy.

- Je pense que ce sera pas nécessaire Peter, je suis pas un expert criquet, mais il semblerait qu’Ophelia oui… Il bouge un peu….

Je n’osais plus toucher la bête. On sait jamais ! Il valait mieux laisser le pauvre Philippe se remettre de ses émotions. En attendant, j’étais plus préoccupé par l’état de ma chemise et avait entrepris de la sauver, elle aussi, mais à coup de serviette. Quoique, ça n’aidait pas. J’avais beau frotter comme un dingue, à la limite, je ne faisais qu’étaler les tâches, à mon plus grand désespoir.

- Pourquoi je devrais présenter des excuses ? C’est pas de ma faute s’il a sauté ! Moi j’ai jamais demandé à ce qu’on me mette Philippe entre les mains !

C’est vrai quoi ! Mamie Shang ne pouvait s’en prendre qu’à elle même. Puis quelque chose me disait, que le reste de la famille n’était même pas au courant qu’elle avait osé me confier Philippe. C’était tout de même une sacré soirée. J’essayais de remettre ma chemise en état, alors que Peter et Ophelia parlait de la famille et Elijah était mort de rire. Je n’étais pas sûr de ce qui le faisait rire. Malheureusement, j’étais trop préoccupé avec ma chemise pour l’observé. Et j’allais sûrement rater quelque chose, il était déjà mignon quand il ne riait pas… En réalisant ça, j’avais relevé la tête et vis certain de nos élèves faire mine de s’embrasser. Ou tout du moins ils semblaient sous entendre qu’Elijah et Ophelia… Ew ! Mais wtf guys ! J’avais vraiment pas envie d’imaginer ça. Distrait par ce petit spectacle, je grimaçais. Heureusement que Papy Shang était là. Sauf qu’il m’avait fait peur à débarquer aussi soudainement. Je sursautais violemment et donnait un coup dans la table…. Et renversa un nouveau de mes plats sur ma chemise. Je me levais en râlant :

- Mais c’est pas possible ça ! Elle vous a rien fait ma chemise...

Je soupirais en regardant les dégâts. Je n’étais pas si superficiel d’habitude, mais là on était au restaurant, il y avait Elijah et…


- C’est ma seule chemise blanche en plus… Bon, je vais essayer de rattraper ça, je reviens.

J’enlevais les nouilles collées à mon haut avant de prendre la direction des toilettes en lançant un regard désespéré à mes camarades de table. J’aimais de moins en moins cette soirée. J’espérais que ça irait mieux pas la suite. De toute façon on pourrait pas faire franchement pire…

Il était difficile de suivre tout ce qui se déroulait sous mes yeux tellement les péripéties invraisemblables s’enchaînaient. Ophelia avait ressuscité Philippe, le criquet de la famille, de façon relativement spectaculaire, avant d’énoncer tous les membres de sa famille présent sous ce toit. Inutilement puisque je serai incapable de les identifier puisque je leur tournais le dos. Maintenant, un étudiant faisait du lèche-vitrine. Littéralement. Était-ce un moyen de sous-entendre une quelconque attirance entre ma voisine d’en face et moi ? Décidément, Arcadia Bay venait de perdre la boule. Étaient-ce là les premiers signes d’une apocalypse ? Devais-je m’attendre à une pluie de Philippe dans le restaurant d’ici une poignée de secondes ? Impossible de le savoir. Cette soirée venait de me prouver que le don de voyance m’était totalement étranger. Jamais aurais-je pu suspecter qu’un repas tout aussi catastrophique que divertissant puisse exister. Je n’eus pas le besoin de me bouger les fesses puisque le grand-père de la psychologue sortit en trombe en espérant attraper le cupidon et sa bande. En parlant de ça, la précipitation de l’homme n’avait pas laissé Teddy indifférent puisque ce dernier bondit en l’air et renversa un second plat sur sa chemise. « Pincez-moi, je rêve ! » me dis-je intérieurement, me mordant l’intérieur des joues pour ne pas me remettre à rire aux éclats. C’était un exploit de me tenir encore bien assis, droit sur ma chaise, alors que ma première envie était de me rouler par terre.

Le musicien grognait tandis qu’il se débattait avec les nouilles qui étaient venues décorer ses fringues. Le pauvre. Je le vis se lever d’une mine désemparée alors qu’il semblait mourir de honte, évitant mon regard. À peine avait-il fait quelques pas en direction des toilettes que je repris la parole.

- Il a toujours autant la poisse ? demandais-je même si la réponse me paraissait évidente. Je vais voir si je puis le donner un coup de main. Ne faites rien que je n’oserais moi-même !

Je leur adressai un sourire suivi d’un clin d’œil puis parti sur ses talons. Je n’étais pas certain de savoir en quoi je pourrais l’aider mais, pour être sincère, c’était aussi une diversion pour me retrouver rien qu’avec lui ne serait-ce que quelques minutes. Il ne fut pas difficile à repérer, la pièce étant plutôt étroite. Absorbé comme il était, le garçon ne m’avait pas entendu mettre les pieds ici. Lentement, sans faire un bruit, je vins me mettre à côté de lui et lui déposa un bisou express sur sa joue droite en rigolant.

- Je me disais qu’un peu d’encouragement ne pourrait que te faire du bien.

Si seulement j’avais une chemise à lui proposer ! Note à moi-même : en mettre une de secours dans ma voiture à la première occasion. J’hésitais puis le fit tourner vers moi. Je captais son regard avant de baisser le mien et de glisser mes doigts sur le bouton le plus haut que je défis. Ainsi que les autres. Juré : ce n’était pas prévu. Je me laissais seulement porter par le courant. Pour détendre l’atmosphère, je lançai une vanne.

- J’aurai préféré faire ça dans d’autres circonstances mais…

… mais je n’allais pas m’en plaindre. Je retirais le bout de tissu tout en essayant de me rincer l’œil le moins possible. Le savon dans l’autre main, j’en appliquais dessus avant de frotter le plus possible. Un coup d’eau et rebelote. Plusieurs fois de suite. Finalement, j’étais assez content du résultat. Les tâches n’avaient pas entièrement disparu mais s’étaient convenablement estompées.

- Et voilà ! Comme quoi, saigner sur ses fringues a du bon !

Je me dirigeais vers le sèche-mains dans l’espoir de la sécher. Teddy aurait l’air fin à se pointer dans la salle trempé ! L’attente fut relativement conséquente mais en valait le coup. Satisfait, je lui fis signe de me tourner le dos afin de lui enfiler. J’en profitais pour murmurer à son oreille d’un ton taquin :

- C’est que je prendrais goût à avoir un Ken grandeur nature.

Très bien. Papy Shang, c’était le malade qui nous regardait. Mamie Shang, c’était celle qui avait eu la mauvaise idée de donner un criquet à Teddy. Mamie Wan celle qui m’aimait bien, et papy Wan… Lui je ne l’avais pas rencontré. Enfin techniquement, je n’en avais rencontré qu’une. Et c’était la seule avec qui ça s’était bien passé. Oui, on aurait mieux fait de tout leur dire et j’aurais mieux fait de les rencontrer directement. Pas que ça m’agaçait que les Wan pensent qu’Ophelia sortait avec Teddy et Elijah. Mais si, en fait, ça m’agaçait. Et je savais bien que c’était ridicule de penser comme ça, parce que de toute façon ce n’était pas vrai. Mais je voulais qu’on sache que j’étais avec elle, et qu’elle était avec moi. Comme si ça rendait tout plus officiel, peut-être.

C’est alors que des élèves débarquèrent et… Bon. Ca n’arrangeait pas les choses ça. Je gardai mon calme en tapotant la table avec une main. Sérieusement. Ca n’était pourtant pas un secret. On ne passait pas notre temps l’un sur l’autre, mais quand-même. Enfin, pas en public. Pas quand il y avait d’autres gens en tout cas. Enfin bref, les élèves n’étaient pas du tout observateurs. Il allait falloir que je revois ça d’ailleurs, l’observation était importante pour les cours de théâtre et– OH LA hum. J’avais sursauté violemment en tournant la tête, apercevant grand-père Shang à notre table rapporter des plats à Teddy. Et je vous jure. J’étais sûr qu’il m’avait lancé un regard noir. Ou méprisant. Ou assassin. Les trois à la fois. Peut-être que c’était une technique d’intimidation, et qu’en réalité, il était adorable. Ou peut-être qu’il allait engager des assassins pour me tuer. Alors oui, je disais n’importe quoi, mais je sortais avec une ninja maître du kung fu, alors bon.

Teddy se renversa à nouveau de la nourriture sur la chemise. Heureusement qu’il savait manger sans s’étouffer, c’était déjà ça. Il faisait de la peine, alors qu’Elijah avait l’air plus attendri qu’autre chose. Mais si Teddy ne savait pas que sa colocataire sortait avec moi, comment pouvait-il se rendre compte de ça ? « C’est pas tant de la poisse qu’un style de vie à part entière. » Elijah se leva pour le rejoindre et je hochai la tête à ce qu’il dit. Puis je pris immédiatement, presque machinalement la place d’Elijah pour me mettre en face d’Ophelia, et me penchai un peu pour être plus proche d’elle. J’aurais bien pris la place de Teddy, mais il y avait de la nourriture partout. Je souris à Ophelia et fis un signe de tête en direction des toilettes. « Apparemment il faut être deux pour laver une chemise. Ou pour l’enlever. » Bah oui, il fallait avouer, Elijah qui suivait Teddy aux toilettes d’un restaurant, c’était une phrase qui ne pouvait pas être dite sans sous-entendus ou arrières pensées.


Je voyais qu’elle avait honte, ou en tout cas était mal à l’aise. J’aurais été pareil. « J’aime bien ta famille. Ils sont peut-être trop impliqués dans ta vie de couple… mais c’est qu’ils tiennent à toi. Comme tante Meg. Si jamais tu es gênée, rappelle-toi que Meg nous avait surveillés et nous avait donné une bougie de fertilité. D’ailleurs hier, elle m’a proposé de m’en donner une nouvelle... » J’avais envie de lui prendre la main pour la rassurer, mais je ne savais pas si elle voulait attendre, compte tenu des circonstances. Mais après tout, prendre la main de quelqu’un n’était pas nécessairement connoté. Et au pire, ou au mieux, ils arrêteraient d’imaginer Ophelia avec Elijah ou Teddy. Donc je lui pris la main. « Comment tu te sens ?  »

Rapidement, j’entendis un cri d’indignation au loin. Suivi d’un chuchotement fort :« comment ose-t-il faile ça à son ami et collègue ? » Est-ce que… est-ce qu’ils pensaient que je draguais Ophelia dans le dos des deux autres ? « Je ne suis pas certain que la majorité de ta famille ait misé sur moi. Sauf Mamie Wan. Hum, pardon, c'est comme ça que je l'appelle dans ma tête... Je l'ai rencontré - Oui tiens, c'est ça que je voulais te dire tout à l'heure. J'avais failli oublié, avec tout ça, c'est marra... Enfin bref ouijeparletropdésolé. Je l'ai prise en autostop, je ne savais pas qui c'était, je lui ai raconté plus ou moins ma vie - tu me connais - et j'ai découvert finalement que c'était ta grand-mère.   »

Mais qu'est-ce-qui avait fait que le karma ait poursuivi ainsi Teddy ? Puis surtout... moi ? Après tout, j'étais à côté de lui, et si jamais je trouvais la moindre tache sur mes vêtements, ça allait difficilement se passer comme si de rien n'était entre lui et moi... Oui parce que le karma on se le fait tout seul quand même ! En plus il refusait de présenter des excuses à mamie Shan pour Philippe... N'avait-il donc pas de race ? Surtout qu'en réalité, le criquet semblait se demander s'il allait vivre ou mourir en fin de compte. Philippe... Après que les élèves soient passés, je remarquais rapidement la tête que tiraient Teddy et Peter, juste avant le nouveau drame... Par réflexe, je me suis collée contre la vitre "en mode survie" pour éviter d'être tachée, et je vis mon frère rire au loin. Le petit salaud. Quoi que j'aurai ris aussi dans la situation inverse... Finalement, il décida d'aller aux toilettes pour tenter d'arranger la situation... Elijah nous demanda s'il avait toujours autant la poisse. C'était une question rhétorique probablement. Je ne répondis pas, Peter se chargea de faire un commentaire que j'approuvais assez. Puis finalement, Elijah rejoignit Teddy aux toilettes, et malgré toute la situation, je me mis soudain à avoir un grand sourire en le voyant s'éloigner. Sacré Teddy... Il était apparemment gêné et en train de tomber amoureux, sans doutes... C'est drôle, ça devait fonctionner différemment sur tout le monde, mais pour Teddy, c'était assez visible, je trouvais. Je fus rassurée de voir qu'ENFIN quelqu'un fut assez intelligent pour changer de place - c'est-à-dire Peter bien évidemment - et je soupirai enfin, comme pour sortir toute la tension qui avait émanée de la soirée et du repas. Je lui souris également à sa réflexion sur les deux garçons. « Il semblerait, oui... Espérons qu'ils s'en sortent, et qu'ils prennent leur temps...  » Puis Peter se pencha vers moi et rajouta quelque chose sur ma famille. Je me mis à rire, pour évacuer aussi la tension, et car tante Meg me rappela le comique de situation de la fameuse soirée chez Peter. « Ils sont... toujours comme ça en fait, mais ils ne me voient pas tous les jours avec d'autres "hommes" que Teddy, si on peut le considérer comme tel... Puis par défaut ils ont du assumé que j'étais avec Elijah. Je voulais leur dire en début de repas pour éviter le malaise, mais je devrais peut-être leur dire avant qu'ils reviennent des toilettes... Je crois qu'ils sont en train de faire des paris et d'autres trucs pas nets... Oh et pour la bougie, on pourra peut-être voir si c'est nécéssaire, par exemple tout à l'heure, quand on rentrera... » Peter me prit la main, et je la serrai aussitôt, en lui caressant la joue de ma main libre, avec douceur. Je me sentais plus apaisée maintenant qu'il était face à moi.

« Maintenant, ça va mieux. Je vais faire signe à quelqu'un de ma famille de venir pour aider à essuyer la place de Teddy, et j'en profiterai pour lui parler... et toi, tu tiens le coup ? » Car bon, ça devait être impressionnant de rencontrer autant de gens d'un coup sans encore arriver à les reconnaître... J'entendis alors un cri de protestation venant d'un peu plus loin, et je vis mamie Shang s'énerver face à mamie Wan, qui elle, semblait heureuse. Puis justement, Peter me raconta sa petite anecdote, et je me remis à rire, avant de me rapprocher de lui pour l'embrasser. C'était vraiment un amour. « Tu peux l'appeler comme ça, je suis même sûre que ça lui ferait plaisir... A tous les coups, elle a peut-être même du se dire en te voyant, que tu irais bien avec moi. Je l'ai vue sourire, plus loin. Mais je ne pense pas que ce soit la seule qui t'aime bien. Ils sont juste un peu trop à fond dans leurs jeux, c'est rare ce genre de soirée donc ils en profitent... » Je fis alors signe à mon père de venir, comme il passait par là, et il s'approcha de nous en fronçant les sourcils, ne voyant plus Elijah et Teddy. Même moi j'avais fini par les oublier à vrai dire... « Je sais que je ne peux pas... enfin je ne vais pas faire une annonce dans tout le restaurant, mais est-ce-que tu peux dire à toute la famille que je suis en couple avec Peter ? Tu sais, ils ont l'air de faire quelques paris et maman a fait remplir un questionnaire un peu étrange à tous les garçons... Même Teddy... Comme si j'allais être en couple avec lui. Enfin voilà, du coup je vous présente un peu tardivement, mais à la fin de la soirée éventuellement, je pourrais l'introduire auprès de tout le monde ? Histoire de faire les présentations comme il faut. » Mon père regardait le siège de Teddy avec une immense déception, et je l'entendis marmonner dans sa moustache/barbe "déshonneur sur sa vache..." ce que je comprenais totalement. Il tendit la main à Peter pour le saluer, en lui souriant, et lui souhaita la bienvenue dans la famille. Puis il lui fit un clin d'oeil avant de partir. Quelques instants après, mamie Shang arriva pour nettoyer le siège de Teddy avec ses petits produits miracles. « Alors comme ça, c'édait le beau brin le fudur baba de des enfants ? » Le malaise était revenu. « Hm. C'est Peter, on est en couple depuis quelques temps, c'est encore plutôt récent, mais tout se passe à merveille ! Par contre, mamie Shang... » Je lui tendis le verre d'eau avec Philippe, et elle perdit toute trace de sourire sur son visage, puis prit ses produits de nettoyage, la place toute propre, et emmena à toute vitesse Philippe avec elle, sans dire un mot. « Hm. »

« TYLER ! » cria mon père de sa voix de baryton tonitruante « VA CHERCHER LE DÎNER AU RESTAURANT CHINOOOIS ! ». Allongé sur mon lit en train de lire un comics de Batman, j'abaissais celui-ci en zieutant la porte de ma chambre, puis soupira. « Si je ne réponds pas, il pensera que je n'ai pas entendu ! » pensais-je en me replongeant dans ma lecture comme si de rien était. Moins de cinq minutes après, la porte de ma chambre s'ouvrit brusquement et mon père débarqua dans ma piaule avec le tempérament d'un grizzli. Il faut dire qu'avec ses airs de bûcherons, la comparaison était toute faites. « Je t'ai demandé quelque chose Tyler !  » me dit-il en croisant ses gros bras musclés tout en fronçant ses épais sourcils bruns. Abaissant à nouveau mon livre, je pris l'air le plus innocent possible avant de répondre : « Ah oui ? Je n'ai pas entendu. ». Loin d'être dupe, mon père resta dans cette position jusqu'à ce que je capitule et me lève pour enfiler mes chaussures. « Pourquoi c'est à moi d'y aller d'abord ?! » rouspétais-je, bien que ravis à l'idée de manger asiatique ce soir, mais vu que le restaurant était en ville, j'étais obligé de prendre la voiture pour y aller. Or, j'étais atteint d'une grave maladie que beaucoup de jeunes de mon âge ont : la fameuse flemmingite aiguë. « Tu n'as pas fait la vaisselle hier soir, donc c'est à toi d'y aller, fin de l'histoire. Tiens, ma carte de crédit  (il me la lança comme s'il s'agissait d'un vulgaire frisbee), tu te rappelles du code ?  ». Je répondis par un grognement, puis attrapa ma veste avant de quitter la pièce, passant devant mon géniteur qui esquissait un sourire satisfait à travers sa barbe.

« Gna gna gna...Va chercher le dîner Tyler... » maugréais-je dans ma barbe tout en montant dans mon pick-up « OUAIS BAH J'AIME PEUT-ETRE LES GROS NHEMS MAIS PAS A CE POINT ! ». La voisine passait à ce moment-là avec son chien. Elle s'était arrêtée pour me regarder de l'autre côté de la rue, puis accéléra le pas sans me quitter du regard. Je mis alors le contact et me dépêcha de filer sur la route, emportant avec moi ma honte.
Il me fallut un bon quart d'heures pour arriver dans le centre-ville d'Arcadia Bay. Trouvant une place où me garer à quelques mètres de ma destination, je fis le reste du chemin à pied, mes écouteurs aux oreilles. « Comme un Wan...C'est quoi ce nom ?! » pensais-je en m'arrêtant quelques instants pour observer l’enseigne. Je remarquais ensuite un groupe d'étudiants amassé à l'une des fenêtres du bâtiment, ils avaient l'air de faire des grimaces aux silhouettes qui se reflétaient à travers la fenêtre comme des ombres chinoises. Je reconnus certains d'entre eux « Ils sont à Blackwell ! ». C'est alors qu'ils déguerpirent en courant tout en rigolant aux éclats. La porte du restaurant s'ouvrit et un homme se mit à les poursuivre en criant un flot de parole qui me fut incompréhensible. « Okay...Il y a l'air d'y avoir de l'animation ce soir ! » pensais-je en pénétrant finalement dans les lieux.

A peine avais-je posé un pied à l'intérieur que la bande originale du film Mulan arriva à mes oreilles. Bien que j'adorais ce disney, je trouvais ça tellement...cliché. Et puis, je trouvais cela étrange qu'une famille asiatique aux allures traditionnelle comme les Wan puissent apprécier un dessin-animé mettant en avant une femme qui, non seulement s'émancipe des valeurs et traditions chinoises, mais en plus y parvient en se travestissant en homme. Mais pourquoi pas.
Je me dirigeais alors vers la caisse et zieuta le menu en bavant à l'avance. Tout avait l'air si bon ici. Papa ne m'avait pas indiqué quoi prendre en particulier, donc, je pouvais me faire plaisir. Ça serait ma petite vengeance. Une femme vint finalement prendre ma commande, puis me fit payer. Tandis que j'attendais que le lecteur lise la carte, je jetais un coup d’œil sur la salle derrière moi et aperçut dans un coin, près de la fenêtre, Ophelia, la psychologue de l'académie. « Merde... » pensais-je en retournant vivement la tête, ayant toutefois remarqué qu'elle était en compagnie d'un homme, mais je ne m'étais pas suffisamment attardé sur lui pour voir si je le connaissais. Non pas que je n'aimais pas Ophelia, mais...Elle était toujours un peu trop enthousiaste en ma présence, que ce soit à l'école ou en dehors. Je ne tenais pas particulièrement à ce qu'elle m'embarrasse devant les clients en me jetant des paillettes à la figure.

Après avoir payé, je me mis à attendre nerveusement que ma commande soit prête. « Pourvu qu'elle ne me remarque pas...Pourvu qu'elle ne me rem.. »

- Wood ?! Tyler Woooood ?!

« Merde...Elle m'avait vu ! ». Dans un élan de panique, je pris le chemin des toilettes afin de m'y enfermer suffisamment longtemps pour que je puisse attendre tranquillement ma nourriture. Mais à peine passé la porte des toilettes pour homme, j'aperçus Teddy, torse-nu, le professeur de cinéma derrière lui en train de lui remettre sa chemise. Ma mâchoire se décrocha. « Oh...my...gad... » fut les seuls mots capable de sortir de ma gorge. Tout deux me regardèrent d'un air perplexe. Moi, j'étais littéralement figé sur place. Que devais-je faire ? Que devais-je dire ? C'était gênant à souhait. Pas seulement parce que c'était mes professeurs, mais en raison aussi de ce qui s'était passé avec Teddy après notre petite soirée un peu trop arrosée. « Tiens...Il m'a l'air d'avoir pris un peu de bide ! Faut qu'il arrête la bière... » pensais-je en laissant mon regard vagabonder sur son ventre lorsqu'il se tourna dans ma direction. De peur qu'ils ne me disent quelque chose, je reculais d'un pas et poussa d'un coup de hanche la porte avant de disparaître aussi vite que j'avais débarqué.

Le grand Bouddha avait dû entendre mes prières, car de retour à a caisse, une vieille dame me tendit deux sacs en me souriant. Ignorant Ophélie qui venait de se lever de sa table, je pris les deux poches en plastique et commença à me diriger rapidement vers la sortie. La psychologue se rapprochait dangereusement de moi, je devais faire vite. Quelques pas de plus et à moi la liberté. « Oh, tiens, Mlle Wan ! » finis-je par lui dire en serrant des dents lorsqu'elle fut à la limite de me barrer la route « Je ne vous avez pas vu... ». Et le prix du meilleur menteur revient à...Tyler. « Heuuu...je suis désolé, je suis attendu ! ». Ignorant royalement la blonde, je tournais sur place, dans une tentative de pas de danse ratée et m'éclipsa. La connaissant, elle serait capable de me suivre dans la rue. Je me mis alors à courir de toutes mes forces et, une fois à ma voiture, posa les sacs sur le siège passager et démarra le pick-up sans même prendre la peine d'attacher ma ceinture. Ben tu vois que ce n'était pas si compliqué ! » me lança mon père en me voyant arriver, toujours prêt à me troller lorsque l'occasion se présentait. Je m'arrêtais, puis tourna lentement la tête vers lui comme si je venais de faire un saut en élastique: « La prochaine fois...on mangera mexicain ! ».

En fait, j’allais presque finir par croire qu’avoir un karma de merde, ça avait un peu de bon quand même. J’étais désespéré pour mon unique chemise blanche. Mais je la sacrifierait à nouveau avec plaisir, si c’était j’avais encore le droit à un bisous d’Elijah. Je ne pensais pas qu’il m’avait suivit jusqu’ici. Et j’étais en train de déprimer devant le miroir quand je sentis ses lèvres sur ma joue. Sur le coup, j’avais sursauté comme un débile. Tu pouvais pas faire plus sexy Teddy hein ? Ce mec, je vous jure, il me déprime. Je parle bien de moi hein ! Pas de Elijah ! Le pauvre, il ne mériterai pas de je l’insulte de la sorte. Il n’avait pas demandé à se retrouver dans ce dîner de fou. J’étais étonné qu’il aie pas encore fuis d’ailleurs.

- Je euh… Merci… Je crois que j’en aie bien besoin.

J’avais quand même perdu plusieurs de mes plats et ma chemise ! Puis j’avais encore en tête l’image des élèves là. Ew ! Non mais vraiment les gars, comment vous pouviez vous imaginer des trucs pareil quoi. Ophelia et Elijah quoi. Vous allez pas vous y mettre vous aussi ! Je lâchais un long soupire, allez Teddy, c’est fini. Puis là, au moins t’étais loin de cette situation gênante, t’étais même avec Elijah, seuls. Ouais, il fallait peut-être pas trop que j’y pense. Mais c’était un exercice difficile, surtout lorsque le blonde me tourna vers lui et entreprit de me défaire ma chemise. Et ces regards qu’il m’échangeait. Par Angus Young, c’est moi ou la température vient de monter soudainement ?

J’étais incapable de dire un mot. Bien trop concentré à avoir de réaction inappropriée à vrai dire. Elijah me défit donc ma chemise, avec quelques sous-entendu, pas très sous-entendu. Moi aussi j’aurais aimé que ça se passe autrement babe… D’ailleurs mon cerveau réussi à formuler :

- Il faut bien une première fois à tout….

Mon sourire ne disait assez long à lui tout seul. Ce serait presque à croire que j’avais fait exprès de renverser tout ça sur ma chemise. Si Elijah n’avait pas été là au moment du drame, il aurait pu avoir des doute. Je regardais l’Allemand nettoyer ma chemise avec du savon. Je sais que ce jeans lui va bien, mais essaye de pas trop mater Teddy, c’est pas parce qu’il est de dos qu’il te voit pas, il y a des miroirs ici. Arhem, j’essayais de regarder ailleurs et d’éviter de poser mon regard sur Elijah. Putain, j’étais quand même à moitié à poil dans les toilettes d’un resto avec un mec ultra sexy.

- Je préfère quand même être plein de sauce soja que de sang.

Je grimaçais, la sauce soja ça sent quand même meilleur que le sang. Et je me doutais qu’Elijah faisait référence à notre soirée qui avait eu lieu quelques jours plus tôt. Je ne la regrettais pas, c’était des supers souvenirs ensemble. Mais vraiment, le sang, c’était pas le top. Surtout que c’était encore plus chiant à faire partir je que ça je crois. Je suis pas un expert lessive non plus. Elijah passa au séchage de ma chemise. J’avais l’impression qu’il avait fait ça toute sa vie. Je me sentais un peu coupable de le regarder et de rester les bras croisés comme ça. Mais que vouliez-vous que je fasse aussi ?

Je me retournais pour qu’Elijah puisse me remettre ma chemise. Enfin, visiblement, il avait décidé que je ne pouvais pas me rhabiller tout seul. Ou alors, c’était un plan bien ficelé. En effet, il commença à glisser mon haut le long de mes bras. Je frissonnai en sentant ses doigts effleurer ma peau. Oui, c’est toujours bien Teddy que vous suivez et non pas une fanfiction naise. Même si, je vous l’accorde, là, ça y ressemble pas mal mon affaire. Que voulez-vous, ce mec me fait un effet de fou aussi. Et il y a de quoi. C’est souvent qu’on vient vous souffler à l’oreille qu’on pourrait prendre goût à votre corps ?

- Je ne suis pas sûr d’avoir grand chose de K…

Comme d’habitude, j’avais répondu bêtement à cette provocation, mais je n’eus pas le temps de finir que quelqu’un rentra dans les toilettes, visiblement choqué par la scène qu’il avait devant lui. Je me retournais pour voir de qu’il s’agissait et… Wtf ? Tyler Wood ? Encore, ça aurait été un Wan ou un Peter, j’aurais compris, mais qu’est-ce que Tyler faisait ici ? C’était super gênant… Surtout en sachant ce que lui et moi… Arh ! Non, je n’avais pas envie de repenser à ça. Heureusement on était que deux sur trois dans cette salle à savoir. Il n’empêche que j’avais dû afficher une tête bien trop coupable pour paraître honnête. J’aurais bien cherché une excuse mais l’élève était déjà repartis. Je me tournais donc vers Elijah, tout en remettant dans les boutons de ma chemise.

- C’était Tyler Wood ça non ? C’est quoi cette soirée sérieusement ?

J’avais à peine dit ça, qu’une sorte d’explosion venant sûrement des cuisines se fit entendre, suivit de plein de juron chinois. Enfin, plein de cris en chinois, mais vu le ton, je pense que c’était des jurons. Je pourrais demander à Mamie Wan, mais pas vraiment le temps de prendre des notes quoi. Des alarmes, sans anti-feu ou détecteur de fumée, se mirent à sonner. Et évidemment, il fallait que le restaurant soit équipé de ces trucs qui déclenchaient de l’eau pour éteindre le feu. Et évidemment j’étais justement dessous.

- J’en ai marre sérieusement, je pense qu’on devrait sortir avant qu'il n’arrive autre chose à cette pauvre chemise qui n’avait rien demandé.

J’attrapais Elijah par le poignet, surtout par réflexe. Je me doutais que si le resto était en feu, il allait pas rester là. Une fois de retour dans la salle principale, tout le monde était en train d’être évacué et je n’arrivais pas à trouver ni Peter ni Ophelia… Ils avaient déjà dû sortir. Donc autant qu’on ne reste pas là. J’étais quand même blasé de ne pas avoir mangé grand chose au final. Une fois sur le parking, je lâchais Elijah et proposai :

- Bon… Ca te dit on rentre chez moi et on se commande des pizza ? Je crois que le chinois pour ce soir, c’est raté…

Je grimaçais. J’étais un peu triste pour les Wan. Ca allait leur coûter bonbon en réparation un truc pareil. Heureusement, ils savaient qu’ils pouvaient compter sur moi pour passer encore tous mes prochains salaire dans leur business.