「I don't wanna take my time
I don't wanna waste one line」
Grandir entourée d’homme vous apprend très vite qu’avec eux une tape derrière la tête fonctionne mieux qu’un cri qu’ils n’écouteraient pas. Nova n’est pas de celles qui se taisent et sourient quand elles sont en désaccord. Soit belle et tais-toi ? Jamais. Elle ne compte que sur elle-même car personne ne voudra son propre bonheur plus qu’elle. Nova n'a pas eu ce qu'on peut appeler un parcours scolaire examplaire par le passé, l'Université Blackwell c'est sa chance de prouver qu'elle peut être une bonne élève.
Alors oui, développer des relations avec les autres pour Nova c’est compliqué, elle meurt d’envie de se faire des amis·es mais elle est toujours trop. Trop sérieuse. Trop chaotique. Trop garçonne. Trop volubile. Trop silencieuse. Trop investie. Alors maintenant c’est qui m’aime me suive assez longtemps pour me rattraper. Prenez-moi comme je suis où vous n’aurez rien. Et ça tombe bien car elle a tellement à faire que ça lui donne une excuse pour ne pas venir au bar avec des gens qu’elle n’apprécie que de loin. La jeunesse dorée est un concept qui lui échappe, la désinvolture qui en découle l’agace.
Nova, en plus de ses études, a un travail à temps partiel à Arcadia Bay dans un restaurant ou elle fait serveuse, et franchement ça la dégoûte. Ce n’est pas un mauvais travail, elle trouve juste absurde d’avoir tant à faire et besoin d’autant d’argent pour pouvoir vivre. Le temps lui manque, ça l’épuise et son humeur en pâti. Elle n’a pas accès à une bourse, l’état lui donne déjà assez apparemment, le Bureau des Affaires Indiennes c’est une véritable blague. Tout ce qu’elle a, elle le doit à des organismes privés visant à émanciper la jeunesse autochtone, Blackwell c’est l’école de la liste qui était la plus proche et lui donnait le plus de crédits.
Bref, la réserve lui manque autant qu’elle culpabilise d’aimer ne plus y être. C’est différent, ce n’est pas mieux, mais au moins elle n’est pas seule… Ici, personne ne se connaît. Ça a autant de mauvais côtés de que de bons. Elle découvre l’anonymat, l’assurance que ça lui apporte et surtout, surtout, une perspective d’avenir qui ne ferait aucunement plaisir à sa famille d’entendre.
Rien que venir à Arcadia Bay pour étudier avait été la croix et la bannière. C’est toujours plus fastidieux pour les gens comme elle. Pourquoi partir ? Tu vas revenir, pas vrai ? Tu t’enfuis, t’es comme les autres.
Autant de questions et d’accusation auxquelles elle avait dû faire face lorsqu’elle avait envoyé sa lettre à l’Université Blackwell. Parfois la réussite des uns est prise comme un échec personnel par d’autres. Ce n’était pas en restant chez elle, à se demander si elle allait pouvoir travailler chez tante x ou oncle y qui allait aider des objectifs bien plus grands. Resteriez-vous dans votre petit village si vos ambitions dépassaient être la caissière de la supérette du coin ? Non, November aspire à mieux, à de grandes choses. Elle ne sait pas encore à quelle échelle, voilà tout, et cette indécision est prise comme un manque d’intelligence par la culture de la médiocrité.
La disparition récente de Rachel lui rappelle également à quel point les inégalités sont profondes. Les statistiques parlent d’elles-mêmes, dans un monde d’homme la femme est en danger. Alors maintenant quoi ? Devait-elle tout arrêter ? L’herbe est toujours plus verte ailleurs. Ce qui est arrivé à Rachel est tragique, toutefois on ne peut pas oublier la piste de la fuite. Si Blackwell est mieux pour étudier que d’autres Universités, November n’oublie pas que vivre ici peut-être tout aussi abrutissant qu’un village sous-peuplé. Elle non plus ne compte pas rester après ses études. Même si parfois quelque chose semble la retenir ici, à Arcadia Bay, une sensation inexplicable.
Peut-être qu’au final c’est ça qui l’empêche de construire quoi que ce soit, l’errance, l’impermanence. Elle découvre à travers ces évènements un réseau communautaire qu’elle ne soupçonnait pas et qui la rassure. Elle qui se crystalisait dans son rôle modèle afin de faire taire les stéréotypes, et si elle se trouvait finalement une raison d’aimer cet endroit ?...