Am I a joke to you ? feat Clyde

L'atmosphère était douce-amère, chacun alternant les phrases pleines de sous-entendus et en même temps chaque dialogue semblait être une nouvelle joute verbale. Content de moi – je ne m'en tirais pas si mal – je raccrochais à la conversation.

Clyde voulait jouer à celui qui encaissait le plus d'alcool ? Très bien, tant que les pauses pour pisser étaient autorisées je me sentais d'assez bonne humeur pour tenter le diable et le défier en tête à tête. Un air satisfait s'accrocha à mon visage tandis que je lui répondais avec aplombs.

- Parce que tu attends la soirée pour commencer ? Me moquais-je en le pointant du menton. Toi tu n'sais rien de l'art de boire. D'où je viens on attend pas d'avoir soif pour saisir la bouteille, si celle-ci n'a pas déjà été vidée la veille. D'ailleurs je gagne quoi si je t'écrase comme prévu ? Une photo de toi avec ton boa dans une pose compromettante ?

Il fallait bien un enjeu à notre petite beuverie en cours d'instauration. Je n'étais pas homme à jouer sans enjeux.

- Ça c'est ce que j'appelle boire, mon cher Clyde. Vous vous en doutez, ces derniers mots m'avaient échappé. Il n'était pas mon cher Clyde, il n'était d'ailleurs rien d'autre que mon fournisseur de caféine à l'heure actuelle.

Puis s'il voulait s'amuser avec un peu d'alcool il ne deviendrait qu'un compagnon de beuverie passager. J'étais presque certain de l'écraser, après tout mon foie avait l'habitude des années à encaisser les semaines d’ivresse bien avant que j'ai l'âge légal d'acheter mes propres bouteilles.

Lorsque le sujet de conversation changea, je senti que j'avais déstabilisé mon adversaire, et au lieu de m'en réjouir je me sentis – très – légèrement coupable. Cependant l'étudiant semblait avoir autant de fierté que moi – ce qui n'était pas rien – et un sourire reprit place sur son visage avant qu'il ne m'adresse un regard que j'étais incapable d'identifier clairement. Cela semblait presque tendre... Mais ne pouvait l'être. Que mijotait-il encore que j'ignorais ?

Sa réplique désamorça mon questionnement et je laissais échapper un rire légèrement râpeux, puisque produire ce son ne m'arrivait plus depuis longtemps. Il me fallait cependant trouver une réplique acerbe pour donner le change.

- Navrant... mais ne me tente pas trop où tu risques de voir ta bouteille remplie de liquides de mon invention. Et pour ton information je ne suis pas connu pour être un très bon chimiste.

J'avais parfaitement conscience qu'il venait de changer de sujet avec autant de discrétion que moi me tenant au milieu des couloirs de Blackwell, mais cela m'arrangeait bien trop pour que j'insiste. Surtout que nous revenions au sujet de ce possible travail que je pourrais effectuer pour lui en échange de quelques billets. Tout ça pour une simple lessive, c'était presque trop facile. Surtout maintenant qu'il me proposait à demi-mot une autre offre, avant de faire semblant de se raviser.

- Bon tu vas le cracher ton morceau ? J'ai besoin de thunes alors balance et on verra ben si c'est dans mes cordes... Et ne crois pas m'impressionner, je sais aussi bien tailler une haie que faire une foutue lessive. J'ai appris à me débrouiller.

Sous-entendu : pas toi. Et bam dans les dents. Il ne me restait maintenant plus qu'à attendre qu'il se décide à me donner son idée... Et soudain j'eus peur. Malgré sa bouille adorable, il semblait avoir un cerveau tordu au point de faire rougir le mien de honte. Dans quoi étais-je en train de me fourrer...

Sans m'en rendre compte je l'imitais et pris une gorgée de caché, mais je n'affichais pas le même air décontracté que lui. Bien au contraire, je lui adressais un regard aussi noir que le breuvage auquel j'étais dépendant.

Je devais bien admettre que je me délectait de la situation actuelle. Peut-être même jouais-je un peu trop à cet étrange jeu qui s'était instauré entre Clyde et moi. Cependant je suis faible et ne pouvais faire que saisir cette distraction bienvenue au milieu de mon tourbillon de tourments habituel. Aujourd'hui je m'amusais comme un petit diablotin, avec une activité tout à fait à mon goût : faire tourner Clyde en bourrique. Et puis... il l'avait mérité un peu, soyons francs.

Sans savoir qu'il faisait de même avec moi, je profitais honteusement de sa présence, de ses mimiques, du timbre de sa voix qui comprenait tellement de nuances que je ne pouvais les compter. La texture de ses cheveux m'intriguait, et je devais me retenir de passer mes longs doigts dedans pour tester la douceur. Et puis il restait sa bouche et ses yeux, si parlants qu'ils en devenaient des personnalités à part entière, qui méritaient tout mon intérêt. Malheureusement je ne pouvais satisfaire mon désir de contemplation sans me faire griller, alors je me contentais de quelques regards par dessus ma tasse devenue froide mais que je continuais d'avaler sans même y penser.

Enfin, Clyde devait être distrait lui aussi puisqu'il sembla hésiter un moment avant de répondre à ma dernière provocation. Et quelle réponse ! Je m'étouffais un instant dans ma caféine avant de lui lancer mon regard le plus sinistre possible, qui se transforma progressivement en un air amusé. Il était si sûr de gagner pour me proposer d'augmenter le gage..? Très bien.

- Nous verrons cela alors... prépare toi à regretter ces paroles Ricanais-je tranquillement en machant un morceau de pancake qui fut accueilli par mon estomac avec satisfaction.

Tandis  qu'il passait sa seconde commande, je mangeais doucement la l'ennemie ne pas brusquer mon estomac. Aussi je manquais le retard échangé entre la serveuse et ma victime.

La conversation reprit l'air de rien avant qu'il ne fasse référence à son statut de criminel. Je laissais couler mais mon cerveau était en ébullition, de quoi parlait-il donc et dans quel mauvais coup allais-je encore me fourrer.

- Ne t'en fais pas tu survivras après je ne garantis pas dans quel état... mais cela ne devrait pas te déranger d'être le cobaye pour une fois. Arguais-je doucereusement.

Le voir planter ses deux mains sur la surface de la table du dîner me réveilla un peu plus et j'écoutais sa dernière connerie. Soudain je ne riais plus, contrairement à lui.

Était-ce pour lui une blague mon manque cruel d'argent  qui m'amenait à proposer mes services à quelqu'un de mon âge, et quasiment inconnu ?

- Vas te faire foutre Clyde ! Grognais-je entre mes dents serrées par la colère. Et celle-ci ne fait qu'empirer lorsque j'entendis sa proposition suivante.Arrêtes de te foutre de ma gueule et laisse-moi tranquille putain !

D'un bond j'étais debout et prenait la tangente vers la porte de sortie.
J'étais plein de haine mais... Cette.proposition était quasiment honnête. Et il tentait de m'amadouer me bougre.

Je te trouve beau Charlie, que ça te plaise ou non.

La récompense était on ne peut plus tentante pour moi, mais la proposition était indécente au possible. Avant de sortir les crocs, je décidais de jouer les indifférents pour en apprendre plus avant de casser ce joli nez.

- Tes compliments tu peux te les foutre où je pense ! Hurlais-je malgré tout à travers le dîner, poursuivant sur ma lancée colérique.

Les dieux semblaient cependant jouer en la faveur du brun, malgré tout l'agacement que cela provoquait chez moi. Je mis un coup de pied dans la porte et revint prendre place devant mon café et l'Autre qui concurrençait mon titre de freak de Blackwell. Légèrement plus calme, je décidais de m'informer un peu plus, seulement par curiosité évidemment.

- Admettons que je sois d'accord avec ton idée de merde, c'est quoi comme projet exactement ?

S'il me répondait "du nu" avec son air de pas y toucher je ne pourrais pas contrôler mes plus vils instincts. Navré mais un visage amoché remet souvent les idées bien en place.

- Tu payes combien ?

J'étais dans la merde, on ne pouvait pas l'exprimer autrement. Si son prix était assez élevé... peut-être céderais-je. Sinon je ne tiendrais pas le mois. Mais il avait intérêt à être persuasif. Très persuasif.