There's something inside you, it's hard to explain (Ben)

C’était une belle soirée d’été. Mois de juin pas trop chaud, juste comme il fallait. Ça faisait belle lurette que je n’y avais pas pensé. A elle, cette fameuse drogue. Je ne pensais pas à elle à vrai dire, je savais juste qu’il y en aurait ce soir. Qu’on m’en proposerait, par habitude sûrement. Par ancienne habitude. Celle qui remontait à plus d’un an d’aujourd’hui. Mais je ne devais pas y songer, je ne devais pas me souvenir de l’effet que ça faisait. Je devais essayer de l’oublier. Elle serait omniprésente, comme une ex qu’on aime encore mais que l’on a pas envie de revoir. Par peur de ne pas s’en être remit, par peur de l’aimer encore, par peur de succomber de nouveau, tout ça et d’autres choses mélangées à la fois. Mais plus j’y pensais, et moins je songeais à y aller. Sauf que j’étais resté entre ces murs trop longtemps… je sortis alors de ma chambre avec ma guitare, et me dirigeais vers la piscine. On avait des voisins, mais suffisamment loin pour qu’ils ne m’entendent pas chanter. Je ne chantais presque jamais, parce que j’ignorais si je chantais bien, d’une part, mais aussi parce que si j’aimais ça, j’avais peur de vouloir le rajouter à la guitare et de faire quelques reprises, chansons solo. D’autre part. Je voulais faire un album acoustique avec Teddy, mais ça impliquait de l’annoncer aux autres membres du groupe. Comment réagiraient-ils si nous faisions ça à deux seulement ?

Muni de ma guitare, je commençais à faire les cents pas en jouant I Need a Hero de Bonnie Tyler. Je répétais le début quelques fois avant de finalement me mettre à chanter. « I need a hero, I’m holding out for a hero till the end of the night, he’s gotta be strong, and he's gotta be fast and he’s… » mais quelque chose m’interrompis dans mon élan. Un élan ? Non. Pas l’animal. Plutôt un cochon d’inde… Roméo, Juliette, aucune idée duquel c’était, mais l’une des bestioles d’Ophelia était en train de se noyer ! Ni une, ni deux, je me jetais dans la piscine pour aller récupérer l’animal qui me fit une feinte en montant sur mes cheveux, sur le sommet de mon crâne. Qu’est-ce-que c’était que ce type de bestiole ? Aucune idée… mais en tous cas, la soirée allait bientôt commencer, et je prenais le temps de sauver du cochon d’inde. Pas très sérieux tout ça, mais héroïque au moins… pour Ophelia en tous cas. Je déposais la bête loin de la piscine, à l’intérieur de la maison et retirais tous mes fringues pour les faire sécher dehors. Personne n’était à la maison, alors je pouvais bien me balader à poil non ?! Aussi une fois séché avec le linge propre d’Ophelia - une robe plus précisément - puis je la mis autour de ma taille pour rentrer dans la maison, allant à l’étage pour accéder à ma chambre. Une fois dedans, je pus jeter la robe dans un coin - comme un malpropre - et je pris quelques vêtements.


Fonçant sous la douche, je me shampouinais les cheveux avec un shampoing à la fraise - mon préféré - puis me lavais et rinçais, avant de me sécher - no shit Sherlock - et d’enfiler un tee shirt bordeaux et un pantalon en jean. J’attrapais une paire de baskets que j’enfilais également puis me dirigeais vers ma voiture, dans laquelle j’avais vécu quelques semaines… avant que Teddy ne me sauve de cette situation et ne m’héberge chez lui. Quoi que… ça avait bien duré des mois. Etre SDF ce n’était pas donné à tout le monde. Sortir d’une cure de désintoxication et vivre comme un SDF non plus. Je me dirigeais alors vers le parking de la plage, garant la voiture et en sortant pour monter la colline en pente, direction le phare. Une fois en haut, je vis déjà Erika et Nathan en train de se chamailler. Enfin, Erika en train de taquiner Nathan. Voir ces deux-là ensemble me fit bizarre. Je savais qu’il se tramait quelque chose entre eux, mais je trouvais presque malsain de voir mon ex petite-amie avec mon ancien dealer de drogue. Plutôt mal à l’aise que peiné ou triste, je posais une main sur ma guitare et m’éloignais d’eux pour saluer quelques personnes. Après avoir fait quelques salutations, je finis par rester quelques temps - une bonne vingtaine de minutes peut-être - assit sur un tronc d’arbre à écouter les uns et les autres parler de leurs professeurs - dont Teddy - et me charrier car j’étais coach de natation.

Je devais, en effet, être le plus âgé de nous tous. Je repérais alors un type, blond aux yeux bleus, me regarder par moments. Je fis alors de même, sans vraiment le réaliser. C’était le garçon que j’avais croisé une fois, il y a quelques temps, à la piscine de Blackwell. Il était en train de parader près de la piscine, puis dans l’eau. Nous avions échangé quelques banalités puis il avait disparu, me laissant faire mon cours de natation amélioré. Amélioré puisque les jeunes que je coachais savaient déjà nager. Mais ce garçon m’avait intrigué, on aurait dit qu’il essayait de se montrer plus qu’autre chose. Mais qu’il se montrait à moi, tel un coq venu près des poules. Sauf que moi aussi j’étais un coq ! Enfin, dans la théorie. Parce que je me souvenais bien avoir réagi comme lui, en paradant aussi, sortant un peu mes muscles - au mieux en tous cas… - et tentant de l’impressionner. Pourquoi ? Je n’en avais aucune idée. Peut-être bien qu’au fond, il avait quelque chose. Quelque chose qui m’intéressait. Au bout d’un moment, je finis alors par me lever, me rendant compte que je ne suivais plus la conversation et voyant que les gens commençaient à sortir la drogue. Je pris alors deux canettes de bière, ma guitare et je m’éclipsais à quelques mètres du petit groupe, les yeux rivés sur la baie.

Qu’est-ce-qu’elle était belle. Surtout de nuit. J’ouvris une première bière que je bus rapidement, seul, si bien que je finis rapidement la première bière. Soucieux de l’environnement, je la gardais simplement près de moi, entamant une deuxième canette. La deuxième canette. Je bus quelques gorgées, espérant au moins que l’alcool monterait un peu, près à dormir dans la voiture ou à rentrer à pied s’il le fallait. Je finis alors par jouer quelques accords de guitare. Il y avait suffisamment de brouhaha pour qu’on ne fasse pas attention à moi, ce que j’espérais justement. Je repensais alors au blondinet, et machinalement, je me mis à jouer Careless Whisper de George Michael. Pas pour l’appâter ou créer une certaine ambiance, mais car c’est ce qu’il m’inspirait. Il m’inspirait cette chanson, au premier abord. Je revisualisais la scène de la piscine, ou même notre échange de regard près du feu de camp comme une scène de film. Comme si je rajoutais la bande originale en post-production, après la scène. C’est alors que je décidais de chanter, à peine fort, pour que seul les gens à un mètre aux alentours de moi puissent m’entendre. « To the heart and mind, ignorance is kind, ther's no comfort in the truth, pain is that all you'll find… »

C'était une mauvaise idée pourtant tu y étais allé quand même, c'était un peu le résumé de ta vie ces derniers temps de toute façon, chaque fois c'était pareil, on t'invitait à une soirée, tu voulais dire non, ta bouche disait oui, tu débarquais en disant que tu rentrerais après un verre ou deux et tu te réveillais le lendemain avec des souvenirs flou, parfois un corps à côté du tien et un mal de tête qui te vrillait les tempes et te rappelait que tu avais encore abusé.
Tu le savais au fond que tu buvais beaucoup trop ces derniers temps mais tu continuais de te trouver des excuses, de te mentir à toi-même : c'était l'été, c'était juste en soirée, ça changerait à la rentrée ou pire tu n'étais pas le seul à faire ça (et dans ces moments là tu entendais la douce et délicate voix de ton géniteur qui braillait que « on s'en fout des autres Ben, s'ils se jetaient d'un pont tu le ferais aussi ? » ) c'était toujours plus simple de te dire ça que d'assumer la vérité, assumer que derrière tes petits jeux de séduction, derrière tes sourires en coin, ton jeu de sourcil incomparable, ta tendance à retirer ton t-shirt au moindre rayon de soleil, ta voiture de collection, tes remarques sarcastiques toujours finement placées, derrière tout ce qui faisait de toi le pire des clichés, tu étais juste un type un peu paumé qui espérait parfois trouver sa place au fond d'un verre d'alcool, sans succès.

Ce soir n'était pas une exception, mois de juin, douche chaleur, pas loin du feu de camp une bouteille à la main, tu écoutais les uns et les autres raconter leurs anecdotes sur les professeurs, sur les autres élèves, tu n'étais pas vraiment d'une nature à aimer les commérages, en temps normal tu te serais même probablement déjà levé pour te diriger vers un autre groupe mais pas ce soir, ce soir il y avait quelque chose qui te retenait ou plutôt quelqu'un que tu n'arrivais pas à lâcher du regard par dessus les flammes qui crépitaient.
C'était la faute de Lucas tout ça, si faute il y avait, c'était lui qui t'avait parlé de ce gars en premier, qui était venu dans ta chambre comme il le faisait souvent pour te partager avec son enthousiasme si caractéristique la présence du guitariste d'un de ses groupes préférés en ville, tu aurais probablement pu simplement laisser cette information de côté mais tu avais ressenti le besoin d'aller voir par toi-même qui était ce type, le fait qu'il travaille à la piscine et que tu puisses enfin avoir une occasion de parader en short de bain n'avait été qu'une raison de plus de te convaincre.
Tu ne savais pas vraiment à quoi tu t'attendais, ce qui était sûr c'était que tu ne t'attendais pas à ça, tu ne t'attendais pas à trouver un mec au moins aussi sexy que toi, tu ne t'attendais pas à soudainement arrêter de te concentrer sur les jeunes femmes qui t'observaient toutes avec des yeux de merlan frit pour essayer de le séduire lui et surtout tu ne t'étais certainement pas attendu à ce qu'il rentre dans ton petit jeu. Ce gars, c'était le genre de mec qui réveillait ta petite voix intérieure, celle qui t'avait poussé à coucher avec la totalité de ton équipe de football américain au lycée, celle qui te disait clairement, qui te le criait même en majuscule dans ton cerveau qui sonnait creux « tu le veux Ben, tu le veux ».

Tu as enchaîné encore quelques verres comme ça, quelques verres, quelques regards et puis il a disparu de ton champ de vision, tu n'as pas mis trop longtemps à comprendre pourquoi cela dit en remarquant le petit manège des autres et tu as entrepris de le rejoindre, tu ne voulais pas être proche d'une quelconque drogue de toute façon, pas pour les mêmes raisons que lui mais parce que tu ne te faisais pas confiance avec ça, quand tu voyais ta tendance à céder facilement aux appels de l'alcool pour un oui, pour un non, quand tu voyais la facilité que tu avais eu à commencer à fumer pour te donner l'air intelligent à douze ans sans te rendre compte que tu avais surtout l'air infiniment stupide et ton incapacité à arrêter désormais, tu n'étais pas sûr que rester proche de ce genre de substance était une bonne idée.
Alors tu t'es levé, en titubant, pas stable sur tes jambes, encore une bouteille d'un alcool non identifié, parce que ça n'avait plus vraiment d'importance rendu là, à la main et tu n'as pas tardé à le retrouver, un peu plus loin, face à la baie, sa guitare à la main, tu t'es glissé à ses côtés en souriant en l'entendant chanter, tu aurais aimé te moquer de son choix de chanson mais finalement ça avait quelque chose de...sexy ? Différent ? Quelque chose qui te plaisait en tout cas.
Tu as passé une main autour de ses épaules, signe que tu étais déjà bien loin dans ta tête toi qui détestait les contacts en temps normal, avant de lui glisser à l'oreille un simple « Pourquoi tu restes tout seul pretty boy ? »

La musique coulait de source, comme si j'avais toujours eu cette mélodie en tête, comme si j'avais toujours voulu jouer cette chanson au coin du feu... sauf que je n'étais pas au coin du feu, j'avais fuis, j'avais pris une liberté qui m'était propre et j'avais du et su faire usage de tout mon courage pour ne pas succomber à l'appel de la drogue. Evidemment, la vue d'Erika ne me faisait pas un bien fou non plus, malheureusement. J'avais aimé cette fille comme on aime quelqu'un pour la énième fois de sa vie, sans forcément la mettre sur un piedestal ou compter cette relation comme exceptionnelle. J'avais toujours su que ce n'était et ne serait pas l'amour de ma vie, mais ça avait eu du bon le temps que ça avait duré, et peu m'importait à l'époque que l'on se droguait ensemble, que l'on allait aux soirées ensemble, etc. Mais au final, ça m'avait étouffé, et j'avais eu l'impression que elle aussi, ça l'avait étouffée. Je me souvenais bien quelles avaient été mes erreurs, et dans le fond, sortir avec elle en avait peut-être été une à l'époque. Enfin, à l'époque... il y a un an.

Nous avions été ensemble peu de temps mais cela avait été suffisant pour nous épuiser moralement et physiquement. N'y voyez rien de pervers ou de sous-entendu là-dedans, c'est seulement une constatation de cette relation vouée à l'échec. Celle que j'avais eu avec Mallory cependant avait été bien pire... mais ça avait été mon premier véritable amour. En tous cas, c'est ce que je pensais. Car finalement, l'amour de la drogue avait dépassé celui que j'éprouvais pour ses beaux yeux de garçon qui fait le tapin pour le plaisir. J'en avais des goûts, moi... C'est alors que je sentis un main autour de mon épaule, et que j'y portais aussitôt mon regard, m'interrompant dans ma chanson. Je finis par tourner de nouveau la tête pour y voir joli coeur, le blondinet de la piscine. Le blondinet du feu de camp. Il semblait alcoolisé, et tenait une bouteille dans sa main "libre". Il me glissa à l'oreille quelques mots, et je me mis à rire. Pas parce que c'était drôle, mais parce que étrangement, ça me rendait nerveux. Nerveux que lui me touche, qu'il me parle de façon aussi proche, qu'il soit à cette distance de moi.

- J'imagine que j'essayais juste de créer ma soirée de mon côté... je ne suis plus... pas intéressé par le fait de finir défoncé. C'est sûrement ça qui m'a poussé à m'éloigner.

Je sentis un frisson me parcourir l'échine, sentant toujours sa main sur mon épaule, et j'espérai secrètement qu'il n'en remarque rien. Pas un mot. Je finis alors par enchaîner assez rapidement.

- Et toi joli coeur, qu'est-ce-que tu fais ici au lieu de profiter de la soirée ?

Si tu avais soupçonné que tu avais trop bu lorsque tu t'étais surpris à passer une main autour de ses épaules, toi qui fuyait tout contact physique en temps normal, toi qui contractait chaque muscle de ton corps les rares fois où tu n'avais pas d'autres choix que d'y passer, les mots qui s'échappèrent de tes lèvres ensuite, presque contre ta propre volonté, te le confirmèrent définitivement.

Ce n'était pas inhabituel pour toi de flirter, au contraire, c'était même un de tes jeux favoris mais tu ne le faisais jamais sérieusement, tu t'amusais à séduire les cheerleaders à coup d’œillades et de sourires en coin, retirant ton t-shirt à la première occasion venue,  tu t'amusais à parader, tu te délectais des regards sur ton corps, du désir qui se peignait sur les visages mais ce n'était pas sérieux, tu n'avais jamais eu envie d'aller beaucoup plus loin, avec Brendon pourtant c'était différent. Depuis votre première rencontre à la piscine il n'avait jamais vraiment quitté tes pensées, tu y revenais toujours malgré toi, tu te revoyais perdant de vue tes premières cibles pour te focaliser sur lui, ce soir encore il avait eu le même effet sur toi. Tu aurais pu t'éclipser n'importe où, fuir la drogue qui t'attirait trop dangereusement en partant à n'importe quel endroit mais il avait fallu que tu ailles là où il était, il avait fallu que tes yeux se perdent dans la contemplation de ses doigts sur la guitare (bon dieu ce que tu aurais aimé être une guitare d'un coup) et que tu te laisses porter un instant par sa voix avant de t'approcher, le toucher et lui chuchoter des mots à l'oreille, le surnommer comme s'il t'appartenait.

Tu t'installas rapidement à ses côtés, la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine calée entre tes pieds, ton épaule presque collée à la sienne, toujours dangereusement proche de lui alors que tu l'écoutais répondre à ta question.
Retenant un sourire de compassion en l'entendant hésiter sur ses mots, tu fis semblant de ne rien remarquer, c'était son jardin secret après tout, sa vie privée, de toute façon même si tu avais eu en tête d'ajouter quoique ce soit son intervention suivante te prit de court, te laissant un instant bouche bée alors que tu te mettais à frissonner à ton tour en te répétant mentalement le surnom qu'il venait de te donner.

« ... »

Tu avais ouvert la bouche pour tenter de répondre de manière décontractée, détachée à la question qu'il venait de te poser mais tu réalisas subitement qu'il n'y avait pas moyen de t'en rappeler, il n'y avait rien d'autre qu'un grand vide dans ton esprit.

Bon sang Ben, reprends toi

Tu attrapas la bouteille et bus quelques gorgées...beaucoup de gorgées, avalant presque la moitié de ce qu'il restait pour te forcer à reprendre tes esprits, tu n'allais quand même pas te comporter comme un type qui avait l'intelligence d'un bulot chaque fois qu'il t'adressait la parole, si ?

« Disons que ça m'attire un peu trop de finir défoncé et que je préfère m'en tenir éloigné. Ça te va si je m'invite à ta petite soirée privée ? »

Tu lui fis un petit clin d’œil, mordillant ta lèvre alors que tes yeux dérivaient sur les siennes, est-ce que c'était même humain d'avoir autant envie de l'embrasser ?

Le grand blond s’installa près de moi et cala une bouteille de bière, sûrement, entre ses pieds. Je sentais presque son bras collé au mien, et je devais bien admettre que ce rapprochement ne me dérangeait pas. J’avais été et je demeurai un grand dragueur, mais je m’étais calmé le jour où j’étais sorti avec Erika, puis Mallory. J’avais réussi à m’assagir - un temps - avant de me retrouver en cure de désintoxication. Il demeura un instant silencieux, tandis que je tournai la tête vers lui, l’alcool ne me montant pas encore trop à la tête. Je bus quelques gorgées de ma bouteille de bière. Il demeurait silencieux, aussi je me demandais si quelque chose que j’avais dit semblait le gêner. Dans le doute, je regardais la baie au loin, me demandant jusqu’où celle-ci s’étendait. Il y avait cette magnifique étendue d’eau face à moi, près de chez moi aussi, et j’en étais réellement ravi, voire même heureux. L’eau, c’était mon élément. Le garçon près de moi - qui devait cependant avoir à peu près mon âge - me révéla alors que la drogue l’attirait beaucoup trop, et qu’il préférait s’en tenir éloigné. Je le comprenais. Puis il me demanda s'il pouvait se joindre à ma petite fête improvisée.

« Je comprends. Moi aussi je serai bien resté avec eux, mais c’est une trop mauvaise idée. »

Je marquais une pause, sentant un courant d’air frais passer, et sentant un frisson me parcourir le corps. Je secouais ensuite la tête, comme pour chasser ce frisson hors de moi.

« Oui, bien-sûr. C’est quoi ton nom ? Le mien, c’est Brendon. »

Est-ce-qu’il était nécéssaire de donner son nom de famille à un parfait étranger ? Surtout si celui-ci risquait de me reconnaitre ? J’hésitais un instant avant de reprendre.

« Birdman. J’étais guitariste d’un groupe de musique, il y a encore un an. Mais c’est du passé maintenant. »

Mon déclin musical n'avait de cesse de me hanter. Combien de temps encore faudrait-il que je me fourvoie, à espérer qu’un jour, la rançon de la gloire revienne frapper à ma porte ? Alors qu'au fond, je n'étais devenu qu'un déchet en rémission, en phase de réhabilitation et de convalescence. Je n’étais plus le Brendon de mon époque musicale malheureusement - ou fort heureusement - j’étais devenu le Brendon non drogué h24 qui sortait une cigarette électronique de sa poche pour en fumer un parfum aux fruits rouges lors d’une soirée étudiante. Mon regard se porta de nouveau sur le joli coeur à côté de moi.

« Ça fait bizarre hein ? De lutter contre ses instincts destructeurs. »

Ce fut sa voix qui te sortit de la contemplation de ses lèvres, heureusement car tu aurais probablement pu finir par faire quelque chose d'impulsif et stupide comme tu savais si bien le faire.
Ton nom. Dans ta précipitation à flirter avec lui et dans ton trouble lorsqu'il s'était à nouveau mis à jouer à ton propre jeu comme cette fois à la piscine, tu avais oublié de lui donner ton nom. Tu aurais presque eu envie de te frapper le front avec la main s'il n'avait pas été là à attendre une réponse de ta part.

« Désolé j'ai oublié de me présenter, je m'appelle Ben. Juste Ben. »

La précision glissa hors de tes lèvres par habitude sans que tu ne puisses vraiment le contrôler, ce qui t'arracha un sourire malgré toi comme si tu riais d'une plaisanterie que toi seul pouvait comprendre.
Juste Ben, c'était un bout de phrase, deux petits mots vestiges de ton enfance, de l'époque où on insistait toujours pour connaître ton prénom complet et où tu passais des heures à les convaincre, carte d'identité à l'appui que tu t'appelais simplement Ben, maudissant tes parents qui avaient cru avoir une brillante idée en décrétant que puisque tout le monde allait utiliser un diminutif pour te nommer, autant ne pas se fatiguer.
Quant à son prénom à lui, quant à la confession qu'il te fit, tu hésitas longuement, tu ne savais pas si tu devais faire semblant d'ignorer son passé, quitte à ce qu'il se sente trahi le jour où il apprendrait que tu avais menti, ou être parfaitement honnête, quitte à le perdre avant même de l'avoir gagné, tu te mordis les lèvres doucement, glissant une mèche de cheveux rebelle derrière ton oreille, allumant une cigarette que tu glissas entre tes lèvres pour feindre l'assurance et la distance.

« Je sais »

C'était dit doucement, d'une voix calme et posée

« Mon petit frère était fan »

A la mention de Lucas l'expression sur ton visage changea brutalement alors que tu te retournais pour scanner une énième fois la foule avec crainte.
Ce genre de soirée ne lui ressemblait pas mais tu avais peur qu'il vienne tout de même ce soir, que ce soit dans l'espoir de faire des rencontres ou pour t'imiter comme il avait voulu le faire si souvent par le passé, incapable de voir à quel point tu n'étais pas un exemple à suivre mais juste un gamin qui avait appris à jouer selon leurs règles et qui s'était avéré plutôt doué.
Tu avais peur qu'il se fasse encore harceler comme cette fois quelques jours plus tôt où tu avais été forcé d'intervenir pour le protéger et par dessus tout, tu avais peur de ce que toi tu serais capable de faire si on s'en prenait à lui, sobre tu étais capable de retenir tes coups, alcoolisé si on lui faisait du mal tu n'étais pas certain d'en être capable, de maintenir sous contrôle la lutte contre tes démons intérieurs.
Tes instincts destructeurs.
Ses mots faisaient tellement écho à la tempête qui faisait rage à l'intérieur de toi depuis le jour où tu étais né que tu regardas Brendon d'un air surpris. Surpris de te sentir compris.

« C'est un peu l'histoire de ma vie ça pretty boy »

D'aussi loin que tu te souviennes tu avais toujours eu cette lutte en toi, ces instincts qui te donnaient envie de ce qui était mauvais, qui te poussaient à vouloir faire des choses que tu regretterais, d'aussi loin que tu te souviennes tu avais toujours lutté et réussi à ne pas trop leur céder mais ici, pour une raison inconnue, ils gagnaient du terrain et si ce n'était pas pour Lucas il y a bien longtemps que tu serais parti.