le cinéma, c'est l'écriture moderne dont l'encre est la lumière
Si vous avez manqué la séance précédente, voici un bref récapitulatif du biopic consacré à la vie d’Elijah Holtz. Et non, je ne vous ferai pas l’affront de le commencer par la formule « Il était une fois ». Naître dans une famille allemande on ne peut plus aisée à ses avantages. Tout d’abord, vous faites vos premiers pas dans un appartement luxueux (mais inutilement grand) à Stuttgart, ville débordant de culture et de verdure rafraîchissante. En outre, vous n’avez qu’à claquer des doigts pour vous trouver face au château Rosenstein ou même du splendide château de Hohenzollern ayant appartenu à une famille royale. Seul inconvénient : il faut aimer la choucroute.
Trêve de plaisanterie, si beaucoup ne crâcheraient pas sur une éducation de haut standing, c’est sans prendre en compte la pression imposée par une famille trop conformiste. Correspondre à la norme et répondre aux attentes de la société sont autant d’éléments auquel le garçon n’a pu déroger pendant une quinzaine d’années. Le « souci » est que l’adolescence est l’instant où tout individu éveillé s’interroge sur son mode d’existence et sur la personnalité qu’il démontre depuis l’enfance. Mais que se passe-t-il lorsque l’on se rend compte que l’on joue un rôle pour lequel nous ne sommes pas fait et ce depuis toujours ? Avocat, médecin, et autres professions considérées comme nobles dans son foyer ne lui inspiraient que du dégoût à bien des niveaux. Défendre des coupables, prendre son pied dans les entrailles d’un inconnu… Merci, mais non merci. (Navré pour l’image glauque.)
Un coup de pied dans le derrière. Voilà la récompense reçue pour avoir défié l’autorité paternelle. À vrai dire, c’était un tantinet plus violent et les motifs étaient majoritairement facultatifs. Pourquoi prendre la peine de donner une raison si l’on souhaite frapper son enfant ? Quand on aime on châtie bien n’est-ce pas ? En particulier si les marques sont aisément dissimulables aux yeux de tous. C’est ce qu’Elijah cru jusqu’au jour où il riposta, pris à son tour d’un élan de fureur tandis qu’il venait de confronter ses parents au pire : il comptait s’affirmer dans l’univers du cinéma. S’attirer les foudres de ces derniers n’avait jamais été aussi simple, et sa mère ne bougea pas d’un pouce pour défendre son fils. Dommage pour ce vieux Holtz Senior de s’être trouvé à côté d’une magnifique statuette de bronze. Jamais n’avait-elle paru aussi légère à l’adolescent du haut de ses 18 ans, mais aussi lourde à son père. Bon courage pour remboîter cette mâchoire, vieux.
À se demander d’où cette brutalité trouve ses racines. À en croire l’avis d’Elijah, il suffit de remonter plusieurs décennies en arrière pour retrouver ce qu’il qualifie « d’anomalie » dans son arbre généalogique : le nazi Karl Holz dont la barbarie est presque sans égale. Du fait du remaniement de son nom de famille depuis lors (à savoir le rajout d’un « t » pour s’assurer l’anonymat), jamais le jeune homme n’aurait fait le rapprochement s’il n’était pas tombé sur un carton contenant différents indices telles que des lettres et photographies. Pour quelle raison ces vieilleries n’avaient pas été brûlées ? Ce simple questionnement lui avait valu une réponse toujours aussi tendre. Les coups sont plus simples à fournir que des explications. Ne l’oubliez jamais. (Sarcasme.)
Telle la gangrène, l’allemand s’inquiétait que ses propres gènes soient souillés par les horreurs commises par le membre du Sturmabteilung. Au vu du comportement de son géniteur, cette théorie n’avait rien de loufoque. Et si son emportement qui lui avait valu de contre-attaquer était en réalité une pure et simple manifestation de ce passé funeste ? La lutte de sa vie. Si Elijah s’était habitué à mettre des raclées à ses opposants lors de son apprentissage, il lui fallait désormais faire preuve de sang-froid. Probablement aurait-il tenu s’il n’avait pas perdu tout contrôle face à son père. L’exil était l’unique solution s’imposant alors à lui. Quoi de mieux donc que de prendre ses clics et ses clacs et de se tirer au Luxembourg ? Surtout que les bières blanches y sont une spécialité ! Bon, il faut l’admettre, les paysages ne sont pas mal non plus.
Difficile pour un être né avec une cuillère en or dans la bouche que de se forger une existence sans aucun moyen financier. Enchaîner les jobs pourris et peu enrichissants devint une rengaine pour lui. Troquer la vie de petit prince contre une habitation miteuse et ne comptant pas 20m² fut un challenge tout aussi exaltant. Mensonge. Ce fut pénible. Très pénible. Jusqu’à ce que le garçon prenne goût à la simplicité de la vie et ne se mette à la croquer à pleines dents. Sport, demoiselles, soirées arrosées, et même parfois substances illégales, il s’en donnait à cœur joie. Son credo du moment ? « Vis le moment présent car demain tu seras peut-être mort. » Il se souvenait l’avoir entendu en zappant un soir monotone en plein hiver. Depuis, c’était sa référence. Tout du moins jusqu’à ce que cette folie passagère ne se tasse et qu’il ait les moyens de faire des études. Cinq putains d’années. Une éternité pour lui, mais ça en valait clairement la chandelle. Le diplôme en poche, son destin était à portée de main. Comment s’est-il retrouvé à Arcadia Bay, aux États-Unis, pour son premier poste dans l’enseignement ? Nous verrons qui sera la première personne à élucider ce mystère.
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