Encounter with Teddy

Je crois que j’oubliais bien trop facilement le genre de luxe dans lequel je vivais. Sans doute parce que je m’en fichais. La maison était cool, certes, mais ce n’était pas moi qui l’avait choisie. Si j’habitais ici, c’est parce qu’Ophelia nous avait forcé à déménager. et je devais bien admettre qu’à quatre dans un appartement conçu pour deux, on aurait vite été tassés. Ok, je sais, j’aurais pu retourner vivre chez Elijah, maintenant que ça s’était un peu arrangé entre nous. Mais je ne me sentais pas de remettre les pieds dans son appartement. Ce n’était pas contre lui, mais ce lieu me rappelait trop de mauvais souvenirs à présent. Enfin, il me rappelait un souvenir et je n’avais juste pas envie d’y penser.

Lorsqu’Alex arrêta la voiture, je vis bien la tête qu’il tirait. Putain, enfin quelqu’un qui est aussi expressif que moi. Ou qui était aussi nul pour masquer ses émotions, au choix. Mon regard alla de lui, puis à la maison, et je fini par hausser les épaules.

- Mh ouais. J’ai déménagé il y a pas longtemps avec mes colocs, notre ancien appart’ commençait à être trop petit. Je sais pas s’il y a quelqu’un à la maison. Peut-être Brendon… Bref, j’en aie pas pour longtemps, je reviens. Tu peux venir aussi, si tu veux faire un tour des lieux.

Sur ces belles paroles, j’ouvris la portière et sautait de la voiture. Libre à Alex me suivre ou non. Je me dirigeais vers la demeure et tentait d’ouvrir la porte. Ok, c’était définitivement Ophelia la dernière à être sortie. Il y avait qu’elle pour penser à verrouiller la porte à chaque fois. Déjà quand je pensais à prendre ma clef, c’était bien. Heureusement, il y en avait une de cachée sous un pot de fleur, juste à côté de la porte. J’ouvris cette dernière avec la clef de secours et ne réfléchis même pas, me dirigeant vers ma chambre.

C’était sans doute la pièce la plus bordélique de la maison. Mais que voulez-vous. Personne n’est parfait. J’avais un problème avec le rangement. Vous plaignez pas, ça aurait pu être pire. Je savais qu’Elijah venait ranger derrière moi parfois. Je n’eus aucun mal à trouvé mon ukulélé, toujours à porté de mains. Ok, ça pour le coup, mes instruments étaient bien rangés. Suspendus au mur avec une attachés avec un support adapté, il y avait peu de risque pour les mélanger à mes vêtements ou mes ébauches de compo ou encore mes débuts de cours pour l’année prochaine.

Alex avait pris la décision de me suivre et c’était cool, j’espérais qu’on croiserai Brendon, vu qu’il était musicien aussi, ça aurait pu être cool. Mais mon guitariste favori était aux abonnés absents et qui sait où il était fourré encore. Et je crois que c’était peut-être mieux de ne pas savoir ce qu’il faisait, parfois. Puis est-ce que Alex pourrait supporter plus de monde ? Brendon n’était pas une mauvaise personne, mais lui et moi dans la même pièce… Il fallait réussir à nous supporter quoi.

Ouais, c’était vraiment pas plus mal ainsi. Il en était de même pour mes autres coloc. Ophelia aurait définitivement fait au batteur. A la limite Charlie, ça pouvait aller. Il était plutôt calme. Mais j’étais presque sûr que s’il m’avait entendu rentrer avec quelqu’un, il était parti se calfeutrer dans un coin. Il était sûrement le coloc que je croisais le moins dans cette maison. Sûrement parce qu’il était le plus discret et que les autres, on était des monstres en comparaison. Bref, je me retournais vers Alex alors que nous étions dans la pièce principale.

- Je crois que j’ai jamais vu la maison aussi calme. On est quatre… Presque cinq à vivre ici, crois-moi, quand tout le monde est là, c’est le bazar.

Et pourtant la maison était bien rangée. On pouvait remercier Ophelia pour ça. Par contre, ce n’était pas la même histoire dans ma chambre. Mais tant qu’on pouvait encore circuler sans marcher sur quelque chose, j’estimais que ce n’était pas trop dramatique. J’avais écopé de la plus petite chambre de la maison. Allez savoir pourquoi. Sûrement parce que c’était Ophelia attribué la plus grande chambre et une seconde pour ses cochons d’indes, Brendon s’était battu avec elle pour obtenir ce qu’il voulait, que Charlie avait choisi et personne n’avait osé contredire et… J’avais pris ce qu’il restait.

A vrai dire, je m’en fichais pas mal. J’avais une partie de mes affaires ici, j’en avais toujours chez Elijah (même s’il m’en avait ramené certaines, il avait sans doute eu pitié de me voir tous les jours avec des vêtements abîmé et parfois trop petits). Puis je n’entassais pas tous mes instruments ici. Rien que le piano, ce serait galère. Puis il avait une bonne place dans le salon. Et vu que la plupart de mes guitares et ukulélé étaient accrochés au mur, ça faisait de la place pour le reste.

- Euhm… Je vais prendre celui là, il a un son qui me plait bien.

J’attrapais un ukulélé qui n’avait, en apparence, rien de spécial. Il n’était pas personnalisé ni même gravé. Juste, un basique. Cependant, comme avec les gens, j’estimais que ce n’était pas l’extérieur qui était important, mais le son qui produisait. J’adressais un sourire victorieux à Alex et lui lançait :

- Viens, on fuit avant qu’Ophelia ne rentre. Si elle est partie bosser, on va en avoir pour trois heure à l’entendre râler sur ses ploucs de collègues.

Personne n’était jamais à la hauteur, avec Ophelia. Non, sérieusement, elle était adorable quand elle le voulait, mais quand elle était de mauvaise humeur, tout le monde en prenait pour son grade. Il est possible que ma coloc aie quelque problème d’égo surdimensionné. On ne pouvait pas dire le contraire. Mais c’est aussi ce qui la rendait amusante. Bref, je fis signe à Alex et quelque minutes plus tard, nous étions à nouveau en voiture, en direction de chez lui.

- Et pour le moment tu pense quoi de Arcadia Bay ?

Nous n’allions pas faire tout le trajet en silence non plus. Visiblement, Alex aimait bien rester discret, mais je sais pas, je trouvais ça embarrassant quand le silence s’imposait trop. Enfin, je dis ça, mais j’étais parfois le mec qui se perdait dans ses pensées pendant de longues minutes, et qui n’écoutait rien à ce qu’on lui disait, jusqu’à ce qu’il revienne miraculeusement sur terre. Ouais, en somme, c’était facilement distrait, quoi.

Je n’avais jamais songé à Arcadia Bay comme un endroit idéal pour faire des randonnées. J’imagine qu’on a des points de vue différent quand on vient d’arriver et quand on a vécu ici depuis presque toujours. Il faut dire, je n’étais pas forcément un fan de randonné non plus, donc je ne m’étais pas trop posé de questions non plus. Les rares fois où j’avais emprunté ces chemins, c’était en début d’aller quand Elijah m’avait proposé d’aller courir avec lui tous les dimanche matin et histoire de pas être trop ridicule, je m’étais dit que j’allais aller m’entraîner avant. Et au final, je ne l’ai fait qu’une fois, j’ai cru que j’allais mourir, j’ai abandonné l’idée.

- Ouais, avec la forêt et tout, il y a des coins sympa.

Il fallait dire ce qui est aussi. Je n’allais pas remballer Alex avec un “la randonné c’est de la meeerde !” parce qu’en vrai, c’était sympa d’aller marcher un peu pour se vider l’esprit de temps à autre, discuter avec un pote aussi, pas de prise de tête. Je retins l’information, au cas où je sais pas, j’aurais rien à faire un jour et que j’avais envie de passer du temps avec Alex. Sans trop savoir expliquer le pourquoi du comment, j’aimais bien ce gars.

J’imagine que nous allions bientôt arriver pour que le batteur me précise que chez lui était vide. En même temps, il venait d’arriver, c’était normal de ne pas avoir beaucoup d’affaire pour le moment. J’avais quand même hâte de voir son intérieur. En tout bien tout honneur, je vous l’assure. Plus sérieusement, je répondis sur un ton détaché :

- T’inquiète, j’ai pas encore peur du vide. Puis quelque part, ça tombe bien, ça nous fera une meilleure acoustique !

Il fallait voir le bon côté des choses. En général, les pièces vides, c’était pas mal pour jouer. Les voisins allaient râler, mais qu’est-ce qu’on s’en foutais. Ce n’était pas comme si nous étions en plein milieu de la nuit non plus. Donc techniquement, ils ne pourraient pas nous en vouloir pour tapage nocturne.

Nous finîmes par arriver chez Alex. Tout du moins, c’est ce qu’il me semblait vu qu’il ralenti sa voiture et l’arrêta totalement. Je regardais le bâtiment qui ressemblait à un garage. Au moins il n’avait pas de voisins en dessous ou au dessus, c’était un bon point. Je descendis de la voiture et vit un chat blanc qui nous observait. Je m’approchais doucement de l’animal en tendant une main.

- Oooh ! Chaton, chatooon…

Je sais, j’étais ridicule, mais incapable de résister à un chat. La créature en question me lança un regard noir mais se laissa caresser.

- C’est le tien ? dis-je en tournant la tête vers Alex.

Il était adorable. J’avais toujours voulu un chat, mais sachant que je vivais en colocation avec Ophelia, c’était compris. Déjà parce que cette dernière avait des cochons d’indes et je n’étais pas sûr que ce soit une bonne idée de ramener un de leur prédateur à la maison. Et ensuite parce qu’Ophelia avait les chats en horreur et je n’ose pas imaginer ce qu’elle serait capable de faire à la pauvre bête si j’en ramenais une à la maison.

Je gratouillai les oreilles du chat blanc, distraitement, et celui-ci dû estimer que c’était assez parce qu’il se mis à me feuler dessus et me griffa sauvagement la main avant de partir. Je restais immobile, en suivant l’animal du regard, déçu.

- Huh… Je crois pas qu’il m’aime bien… T’as du désinfectant ou pas ?

Je me relevais, regardant ma main griffée. Ce n’était pas très grave. Si Alex n’avait pas de désinfectant, je pourrais juste plaquer un mouchoir dessus le temps que ça arrête de saigner et je m’occuperai de ça ce soir ou demain.

Il y avait un chat pas aimable dans le quartier, il fallait que ce soit pour ma pomme, hein ? La vie était injuste. Si ce chat savait la chance qu’il avait d’être tombé face à moi et pas à un tortionnaire. Ok, je connaissais qu’une personne qui n’aimait pas ces petites bêtes poilues, c’était Ophelia, mais à ce qu’il paraît, c’était quelque chose de famille. Un peu cliché quand on savait que le reste des Wan étaient chinois, mais bon, je ne préférai pas me mettre la famille d’Ophelia à dos, vu tout ce que je commandais comme bouffe à leur resto, je n’aurais pas envie qu’il leur vienne l’idée de cracher dans mes repas. Quoique, ça se trouve, ils le faisaient déjà.

- Mais il était tellement mignooon…

Je lançai à Alex un regard à la fois triste et désespéré. Mais pas le temps de se reposer, une fois ma plaie pansée, nous nous occupâmes de cette fameuse batterie. Et quelques minutes plus tard, elle se tenait au milieu du salon, parfaitement installée, prête à l’usage. J’avais tellement hâte.

- Si tu veux mon avis, tu ferais bien te mettre un tapis en dessous quand tu pourras, histoire de pas niquer le parquet…

Quelque part, je me doutais qu’Alex connaissait déjà ce conseil, mais sait-on jamais. Puis des fois, j’avais ces pulsions de mec beauf, qui pense savoir tout sur tout. Je suis désolé, ça me prend comme ça, je contrôle pas. Je sais pas trop ce qui se passait du côté d’Alex, il semblait en total admiration de son nouveau jouer, alors mon esprit glissa ailleurs pour s’arrêter sur la contemplation de ma main griffé. Alex, qui était resté plutôt timide et silencieux depuis le début proposa une amputation. Je grimaçai avant de répondre le plus sérieusement du monde :

- Je crois qu’on va pas avoir le choix. Je sens déjà plus mes doigts…

Je me contredit immédiatement en faisant bouger ces fameux doigts, censés être morts avant de me mettre à rire comme un débile. Puis j’accordais une tape amicale sur l’épaule de mon compatriote.

- Allezz ! On l’essaye cette batterie ? Joue ce qui te vient, et j’improvise un truc !

Je ne laissais pas le temps à Alex de donner son avis que j’avais déjà sorti mon ukulele. L’improvisation ne me faisait plus peur depuis longtemps. Au contraire, j’adorais ça, c’était parfois un bon moyen de composer des titres, quand on était un peu perdu ou quand on voulait que tout le groupe participe. Puis ce serait un moyen aussi simple qu’efficace pour savoir si on était sur la même longueur d’onde musicale avec Alex. Etrangement, quelque chose me soufflait que nos instruments allaient merveilleusement bien s’entendre.