Je ne suis pas méchant, c'est les autres qui m'embêtent
Ma vie n'était qu'une putain de blague. Ouais, ça en devint cliché de dire ça, vu que tous les pauvres types le disaient. Comme pour se dédouaner de ce qu'il était devenu. En tout cas, ça sonnait bien à l'oreille et ça avait un minimum de gueule! Mais c'était peut-être mon cas, même si dans un sens... j'étais satisfait de qui j'étais et de ce que je faisais de ma vie. Je n'étais pas un de ses nombreux moutons qui ne pensaient qu'à avoir la "vie parfaite" dictée par une société pourrie jusqu'à l'os. Du moins, c'était ce que je pensais.
Je suis né un 31 août, dans une famille qu'on peut qualifier de spéciale. Pour la résumer en un mot; conservatrice. Sois près du Seigneur, sois pieux, sois droit, sois un grand homme virile et renie toute cette clique de colorés aux déviances de sodomite. Bref, la famille, ce n'était pas la joie. Mais j'eus vite compris étant gosse que toutes ces merdes d'idées venaient de mon paternel. Ma mère ne faisait que subir et c'était pareil pour mes oncles, tantes, cousins, grands-parents, bref, tout le monde. A force, ils avaient même assimiler son idéologie à la leur. Quant à mon éducation... disons juste que je subissais le fait de ne pas adhérer à leur délire et de suivre le groupe.
Vers seize ans, je me rappelais encore m'enfuir dans la nuit de cette ferme pourrie. J'avais réussi à survivre une bonne semaine avant de me faire ramener de force par les flics qui se fichaient complètement des sévices qu'on m'infligeait dans cette baraque. Je reçus la correction de ma vie et j'appris donc à me faire tout petit. A me la fermer et à me cacher. A cette époque, ma vie se résumait juste à aller en cour, travailler à la ferme et essayer de ne pas m'endormir lors des prières. Une vie sociale? Personne n'approchait les rejetons de rednek à l'école. Mes cousins? On faisait plus se battre qu'autre chose. Il n'y avait qu'en bossant dans l'écurie ou en réparant le tracteur qu'on arrivait à s'entendre. Le stricte minimum en somme.
Puis vint le jour de mon admission à Blackwell. J'allais enfin quitter cette baraque de l'enfers! C'était beaucoup trop loin de la campagne pour faire chaque jour les allées-retour. Donc j'allais pouvoir avoir une chambre sur le campus! Mon géniteur était totalement contre mon départ, mais il ne put vraiment se mettre en travers de mon chemin... je me rappelle encore de la voiture de flic se garant devant chez nous pour l'embarquer, les menottes aux poignets. Ce qui était risible... c'était qu'on l'embarquait pour quelque chose qu'il n'avait pas commis. J'avais piqué du fric et une montre à un prof qui côtoyait mon père et je m'étais arrangé pour qu'on le croit coupable. Du reste... ça c'était enchaîné tout seul.
Etudiant à Blackwell, j'eus le plaisir de me débarrasser de cette réputation de fermier arriéré et commencer à vraiment vivre. Peut-être trop. J'ai fait pas mal de merde et j'avoue que je m'étais pas entouré des meilleures personnes, mais sur le coup, ça m'était totalement égale. Je pariais, dealais, buvais... mon meilleur ami et moi, on était paré pour l'avenir!
Les années passèrent et nous restions ensemble. Je m'étais dégoté une caravane et mon pote, Damon, m'avait même fait cadeau de ma plaque d'immatriculation "BRKBD" pour célébrer le coup. BReaKing BaD. Ce qui donnait un avant goût de ce que je fabriquais dans mon véhicule. Mais on s'arrêtait pas à ça, Damon avait une grange où il organisait pas mal de concerts et des combats de chiens. L'argent rentrait bien, mais ça lui montait à la tête. Il devenait toujours plus violent. Toujours plus... effrayant. Il me faisait penser à mon paternel et putain ce que ça me faisait mal qu'il devienne comme lui. Il avait beau m'avoir offert un chien alors que je commençais à vouloir arrêter les combats... je comprenais que le message était plus "ferme ta gueule et obéis-moi". C'était trop.
J'ai fait ce que j'avais à faire et Damon devint du passé. Fini la grange, fini les combats... y avait plus que ma caravane, la drogue, Pompidou et... et Rachel. Ouais avec tout ce merdier, j'avais rencontré quelqu'un de spécial. Une personne qui ne me voyait pas comme une petite frappe et surtout qui m'a aidé à ouvrir les yeux sur les agissements de Damon. Je l'aimais. Oh oui, putain que je l'aimais! Ce qui était le plus hallucinant dans tout ça, c'était qu'elle aussi, elle m'aimait! On était parés à se tirer d'ici, commencer une nouvelle vie. Mais rien ne se passait jamais comme prévus. Du jour au lendemain, elle avait disparu. Pas un message, ni d'au revoir, rien. Au début je soupçonnais Damon, mais en prison, c'était compliqué pour lui de me faire du tort. Alors... Rachel serait partie de son plein gré? Peut-être qu'elle reviendrait...
Le coeur lourd, je continuais mes affaires de mon côté. Au moins, j'avais toujours Pompidou. Je ne devais pas me laisser aller si je voulais bien prendre soin de lui. Puis bon... ce n'était pas bon pour les affaires quand un dealer avait la mine au fond du bac et les yeux gonfles d'avoir trop pleuré. C'était même peut-être mien comme ça. Une fille aussi ambitieuse et aussi merveilleuse qu'elle méritait mieux qu'un type comme moi.