this ain't a song for the broken-hearted
James est né par une fraîche nuit d’hiver de 1989. Il n’a jamais su réellement dans quelle ville il était né. Son père est né à Katowice, en Pologne. C’est là qu’il rencontra la femme de sa vie, qui deviendra par la suite la mère de son enfant et qu’il épousera en 1982. En 1987, fuyant le régime totalitaire et l’indigence qui régnait en Europe de l’est, les parents de James décidèrent d’immigrer aux Etats-Unis, non sans mal. Après des jours de bateau, dans des conditions les plus austères, ils foulèrent pour la première fois le sol américain. Pour eux, ce pays était synonyme d’un nouveau départ, de liberté et d’enrichissement. S’ils avaient su, à l’époque, que l’avenir ne leur sourirait pas… C’est en Caroline du Sud qu’ils décidèrent de poser leurs bagages, pour une semaine. Très vite repérer par les autorités et ne pouvant se procurer de faux passeports sans argent, les deux étrangers prirent les décisions de quitter cet Etat. Ils passèrent une année entière a fuirent dès qu’ils étaient menacé d’expulsion et migrèrent d’états en états. En 1988, alors qu’ils se trouvaient dans l'Oregon, la femme tomba enceinte. Une galère s’ajoute à leurs périples. Sans argent et donc sans sécurité sociale, la grossesse se déroula sans échographie et sans réels soins. Les deux futurs parents ne s’imaginaient pas que cette grossesse difficile serait le prémices d’une vie tout aussi difficile pour cette famille en devenir. Ces deux personnes n’arrivaient pas à s’intégrer en Amérique mais pour rien au monde, ils ne seraient retournés en Pologne. La barrière de la langue ne pouvait que les exclure d’avantage. Aucun d’eux ne parlait anglais. Pour subvenir aux besoins de sa femme enceinte, l’homme se débrouillait comme il le pouvait pour pouvoir se nourrir. Il faisait des métiers que personne ne voulait faire en Amérique car jugés trop ingrats. Il faisait du ménage, il nettoyait les rues, la vaisselle dans les restaurants et parfois même, il se retrouvait à faire la manche. Pas très glorieux mais quand on n’a pas le choix, quand on ne peut pas changer les choses, il faut faire avec et en l’occurrence, faire avec était pour eux faire sans. Sans confort, sans argent, sans réel domicile, sans sûreté, sans amis. C’était eux, eux seuls et le petit bout qui se formait dans le ventre de la femme.
Neuf mois plus tard, le vingt-deux décembre 1989, la femme fit prise de violentes douleurs au ventre. Les premières contractions. Elle perdu très vite les eaux. L’homme, paniqué, ne savait pas quoi faire. Ils étaient tout les deux, dans cette appartement de 20m² qui leurs faisait office de chambre à coucher, de salle de bain et de salle à manger si diner il y avait. Après des heures de travail, James poussa son premier cri. Voulant lui épargner l’exclusion qu’ils avaient subie depuis leur arrivée aux Etats-Unis, les parents décidèrent d’un commun accord de lui donner un prénom à consonance anglo-saxonne. Et c’est ainsi que James ouvrit les yeux sur ce monde.
Dès ses premiers pas, James dût apprendre à vivre dans la pauvreté. La faim, il connaissait. L’insécurité, il connaissait. La fuite, il connaissait. Ce qu’il ne connaissait pas? C’était le plaisir d’avoir un chez-soi, un endroit fixe, un lieu auquel s’identifier. Il n’a jamais eu le plaisir de savoir ce qu’était un bon repas ou la joie d’ouvrir un cadeau pour son anniversaire. Mais à l’époque, il s’en fichait pas mal. Il ne se rendait pas vraiment compte de sa condition inférieure puisqu’il avait toujours vaincu ainsi. Ce n’est qu’en entrant à l’école primaire qu’il prit conscience qu’il n’était pas né sous une bonne étoile. Car en plus de devoir changer d’école au bout de quelques mois, son accent polonais très prononcé et sa pauvreté lui valaient les moqueries de ses camarades. Il n’avait même pas encore dix ans qu’il devait faire fasse à la cruauté, aussi minime soit-elle. Mais il est vrai que son allure pitoyable, dans ses vêtements abimés, ne pouvait porter qu’à rire. Quand la famille Wodzynski se retrouvait, l’ambiance était glaciale. Non pas par manque d’amour, mais par crainte. À chaque instant, les autorités pouvaient débarquer. Là alors, il leur fallait courir vite, très vite, en laissant derrière eux le peu qu’ils avaient. Et ce genre de chose arrivait malheureusement. Pas souvent, mais ça arrivait. Un voisin un peu trop nationaliste suffisait à les faire fuir.
Fatigués de cette situation qui semblait se détériorer de jour en jour, les parents de James décidèrent de s’installer définitivement dans une bourgade près de Portland, toujours dans l’Oregon. Sa mère trouva, non sans difficulté, un travail en tant que femme de ménage chez les plus fortunés de la ville. Peu de temps après, son père devint homme à tout faire. Comme avant, il pouvait faire le ménage, faire la vaisselle… Mais qu’importe, ils avaient tout deux, pour la première fois, un salaire qui rentrait à chaque fin de mois. Maigres salaires, certes, mais ils se sentaient un peu plus intégrer à la société américaine, ne serait-ce que grâce aux passeports qu’ils s’étaient procurer. Quant à James, il intégra le collège municipal. Mais tout comme le début de sa vie, sa scolarité était désastreuse. Il était considéré comme un cancre par ses professeurs mais il sen fichait. Il avait toujours été sous-estimé et n’avait pas l’intention de faire des efforts pour prouver ce qu’il valait. Il était loin d’être stupide mais il ne se donnait pas les moyens de réussir. Les études ne l’intéressaient pas le moins du monde. Ce qu’il l’intéressait lui, c’était le monde artistique, particulièrement la musique… Mais James n’en parla pas de suite à sa famille, il connaissait déjà la réponse : « trop cher, trop inutile, ce n’est pas avec ça que tu gagneras ton pain. ». Ils avaient raison, James le savait. Il ne gagnerait pas son pain en caressant les touches d’un piano parce qu’il n’était pas né dans la bonne famille. Il n’avait pas de quoi se payer des cours, encore moins un instrument et surtout sa famille n’avait pas le carnet d’adresse que certains de ses camarades pouvaient avoir. Il les haïssait, ses camarades. Avec le temps, il s’était rendu compte qu’il les jalousait plutôt qu’autre chose. Il était rongé par l’envie de vivre dans une maison semblable aux leurs, rongé par l’envie de porter les dernières chaussures à la mode, rongé par l’envie d’intégrer une école prestigieuse simplement grâce à l’argent de la famille. Mais il n’avait pas cette chance. Plus tard, James ne parlera plus de chance.
A sa majorité, le polonais annonça à ses parents qu’il partait. Sans tact, il leur expliqua qu’il ne pouvait plus vivre comme ça, qu’il avait honte de ce qu’il était et surtout de ceux qu’ils étaient, eux, ses géniteurs. Il avait tout prévu depuis des mois, il savait exactement quel mot dire, à quel instant les dire. Il fît son monologue, avec un accent américain quasi parfait. Un accent qu’il avait copié sur ses anciens camarades de classe. Il s’était entraîné des soirs durant à les imiter. Sa mère n’arrivait pas à le regarder dans les yeux ; ces mêmes yeux qui se noyaient dans des larmes. Son père, lui, le regardait droit dans les yeux. Au fond, on pouvait y lire la tristesse mais jamais il ne le lui dirait. Il était fier son père, malgré ce que son fils pouvait en penser. James rassembla les affaires qu’il avait réussi à accumuler avec le temps et claqua la porte, sans un dernier regard. Une heure plus tard, il était dans un autocar pour Washington. Où, deux jours plus tard, il intègrerait l’école de police. Il était jeune, il était con. Il voyait dans ce futur métier un moyen d’obtenir vengeance. Dans son esprit meurtri, on ne se moque pas de la police. C’est la police qui fait la loi, ce n’est pas la police qui subi. Ca avait un sens pour lui.
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