This man is on fire

Je suis à cran. Une véritable pile électrique. Un camé en crise de manque qui ne sait pas quand il pourra prendre sa prochaine dose. Je tourne en rond, m'assois sur une marche, laisse ma jambe frétiller jusqu'à ne plus pouvoir le supporter et me relève pour déambuler dans le couloir. L'expression cage d'escalier n'a jamais aussi bien porté son nom qu'en ce moment : je suis un animal privé de liberté, confiné dans un espace bien trop petit pour me contenir. Et le pire, dans tout ça, c'est que j'y consens ! Je me suis volontairement fourré dans ce trou qui, soit dit en passant, est beaucoup plus sympa que ce que je vous dépeins. On n'est pas dans une tour de banlieue, mais dans une résidence classieuse, moderne, un côté rétro en plus qui lui donne un charme particulier. Une identité. Ce qu'il y a derrière cette porte, je peux sans problème me l'imaginer. Je sais que je pourrais m'y sentir bien dans cet appart. Comme j'ai pû m'y sentir bien il y a des mois de cela. Des années. A une époque où j'avais ma place quelque part.

Je passe machinalement une main sur ma nuque avant de soupirer, espérant ainsi faire sortir cette angoisse en même temps que l'air de mes poumons. J'ai toutes les raisons du monde d'être mal, comme il aurait toutes les raisons du monde de m'accueillir avec un bon crochet du droit. Mais c'est de Teddy qu'on parle. Mon Teddy. Et même s'il est différent aujourd'hui du type que j'ai rencontré, j'ai du mal à croire que ça, ça ait changé. Pourvu que je ne me trompe pas…

* Allez Trent, remue-toi ! T'es pas venu ici pour faire les cent pas et rentrer bredouille parce que trop en flippe. T'es un bonhomme ou t'es pas un bonhomme, hein ?! Couille molle ! *

Ouais, les insultes, ça a tendance à fonctionner. Et j'avais vraiment besoin d'un coup de pied au cul ! Enimère soupir, je suis devant la porte. Poing levé, le cœur battant à tout rompre, j'assène un premier coup léger puis un second, plus franc. On pourrait croire que quelqu'un a fait tomber quelque chose, mais pas qu'on a frappé à la porte en espérant se faire ouvrir. Je me râcle la gorge avant de réitérer l'opération, plus fort cette fois. Je recule d'un pas presque immédiatement, craignant de ne pas être suffisamment préparé à ce qui va suivre. Est-ce qu'il est là ? Et si ce n'était pas le cas, est-ce que j'allais revenir ? L'attendre ? Est-ce que je supporterais pareil stress une fois de plus ?

* S'il te plait Teddy, ouvre cette putain de porte ! Ouvre-la ou je te jure que je la défonce ! *

Pas mal quand on vient pour s'excuser, vous ne trouvez pas ?

On peut dire que ces vacances de Noël commençaient bien. J’avais réussi à faire en sorte de ne pas avoir trop de boulot à faire. Ma relation avec Elijah et celle avec Ophelia se portaient bien. Pas de tension, juste du love partout et l’esprit de Noël quoi ! Oh merde, il va falloir acheter de cadeaux à tout le monde. Vous faites chier. Comment me plomber ma joie et ma bonne humeur en deux seconde. C’est pas le budget cadeau qui me faisait peur. C’était trouver des idées pour tout le monde qui me saoulait. Parce que des fois, ouais il m’arrivait d’avoir des idées et d’être sûr qu’elles plairaient, mais c’était justement quand il fallait faire des cadeaux que plus rien ne me venait à l’esprit.

Enfin, ce serait le problème pour un autre jour. Pour le moment, ce n’était que le début des vacances et je voulais en profiter pour me reposer, prendre mon temps. Je sais, c’est déjà ce que je fais quasiment tous les jours. Mais laissez moi profiter un peu. Ca faisait longtemps que je n’avais pas partager de long moment fusionnel avec Robert. Mais non, je trompe pas Elijah, Robert était là bien avant. S’il y a quelqu’un qui devait se sentir trompé ce serait ce dernier. Puis étrangement, je crois qu’Eli ne s’était jamais senti menacé par mon canapé non plus. Il faut dire que mon petit-ami avait quelques avantages en plus que ce bon vieux Robert et ses accoudoirs.

Ophelia travaillait aujourd’hui, tout le monde n’a pas la chance d’être prof, que voulez-vous. Il ne fallait pas quitter Blackwell si elle voulait plus de vacances. Haha ! Non sérieusement, je crois pas que ça dérangeait plus que ça Ophe que de bosser maintenant. Je crois que ce job lui plaisait bien. En attendant, je profitais de ma solitude pour regarder des émissions pourries à la télévisions et râler sur la société quand j’entends frapper à la porte. Je levais la tête, peu certain qu’il s’agissait bien d’un coup sur ma porte. J’attendis un peu et le bruit se fit à nouveau entendre. Je jetais un coup d’oeil à l’heure. Il était trop tôt pour que ce soit Ophelia qui rentre, puis elle avait les clefs. J’avais proposé à Elijah de passer, mais lui aussi avait les clefs.

Je me levais donc, peu rassuré et me dirigeai vers la porte d’entrée. J’espérais que ce n’était pas un voisin qui venait gueuler pour n’importe quelle raison. J’étais pas d’humeur. J’ouvris la porte en commençant :

- On a une sonnette vous sav....

C’est vrai, pourquoi frapper alors qu’il y avait une sonnette. Mais les gens avaient tendance à la confondre avec l’interrupteur de la lumière du couloir. Bref, ce n’était pas pour ça que je m’étais stoppé soudainement.

- Trent ? TREEENT !

Il était pas prêt pour ça. Quand mon cerveau fit la connexion, j’attrapais le guitariste pour le serrer contre moi. Comment ça c’est un drôle d’accueil ? Ouais, j’étais super enthousiaste, mais il fallait me comprendre, ça faisait un bail que je l’avais pas vu. Je lui rendit sa liberté presque aussi rapidement que je lui avais sauté dessus pour lui ébouriffer les cheveux et enchaîner :

- Aww ! Babyy-boyy ! Comment tu vaaas ? Ooh rentre !

La scène semble bien sympa et adorable dites comme ça. Mais c’était pas mal ridicule en fait. Parce que je disais à Trent qu’il était un bébé alors qu’il faisait quasiment une tête de plus que moi. Bref, je me poussais pour le laisser entrer et continuai :

- Je savais que t’étais sortis, mais pas que tu reviendrais dans le coin, qui c’est qui t’as filé mon adresse ?

Je me doutais qu’il s’agissait de notre agent. Mais je crois que quelque part j’espérais un peu que Trent aie encore des liens avec les autres membres du groupe… Mais vu comment on s’était tous séparés, ça me semblait un peu compromis. Bref, j’étais tout de même super heureux de le revoir et je me calmai un peu, histoire de lui laisser le temps de respirer et de me répondre.

J'avais bien fait de reculer. La porte s'était ouverte avec un grognement qu'on assimilait souvent à une petite créature bleue. Vous savez ? Celle qui commence ses phrases par "moi j'aime pas les gens qui frappent aux portes sans y avoir été invité". La gorge déjà serrée, j'étais en train de me liquéfier sur place...jusqu'à ce qu'il lève la tête pour me regarder droit dans les yeux. On venait de prendre une claque en même temps. Lui, quand il m'a reconnu. Moi, quand il a prononcé mon prénom.

" Sal... "

Ouais, nan, impossible. Il m'a coupé la respiration en moins de deux, m'attrapant tout contre lui comme un môme le ferait avec son ours en peluche. Mais hey, c'est pas moi qui m'appelle Teddy, okay ? La vache...si je pouvais exprimer mon soulagement aussi facilement que son enthousiasme, je ne serais pas Trent. J'avais imaginé cette scène des dizaines de fois et je peux vous dire qu'en vrai, elle fait l'effet d'un chocolat chaud en plein hiver. Réconfortant et agréable, malgré cette nouvelle vague dans mes cheveux que je m'empressai de faire disparaître en y passant la main. Je souriais, presque timide. La porte qui se refermait derrière moi était beaucoup moins oppressante qu'il y a quelques minutes de cela. J'avais même de la sympathie pour son...bois ?

" Je ne vais pas dévoiler mes indics, des fois qu'ils pourraient encore me servir... ", répondis-je en lui lançant un clin d'oeil. Je passai rapidement en revue tous ce que mes yeux pouvaient capter de l'appartement avant d'ajouter. " Sortir les violons maintenant, ce serait chiant...disons que je n'avais pas vraiment idée de l'endroit où poser mes valises et je me suis dit...Arcadia, c'était quand même pas si mal, quand on y pense. "

Et j'y pensais souvent. Tout le temps, en fait. Souvenirs d'une vie que j'avais laissé partir en lambeaux, la mienne. Souvenirs d'autres que j'avais ruinées par égoïsme, la leur. M'apitoyer sur mon sort et blâmer la Terre entière, j'étais déjà passé par cette phase. Il était temps de prendre ses responsabilités et d'agir autrement. C'était surtout pour ça que j'étais sorti. Que j'avais pû sortir. Que j'avais regardé cette merde droit dans les yeux (?) pour lui dire que non, elle ne m'aurait plus.

" Ecoute, je ne veux pas m'imposer. Je voulais juste te voir et te dire que j'étais vraiment désolé de ce bordel. J'ai déconné grave et je sais que je te dois beaucoup alors...demande-moi n'importe quoi. Je te jure ! Même...j'sais pas, un truc complètement barré ou hyper solennel, je ferai ce que tu voudras. Je ne pourrai jamais te redonner ce que je t'ai pris mais je ferai tout ce que je peux pour réparer mes conneries. "

J'étais on ne peut plus sincère et même si ça faisait très téléfilm de gonzesse, ben...c'était vrai. Tout était vrai. Je voulais recommencer à zéro et si certains pensaient que revenir ici n'était pas la meilleure idée du siècle, pour moi, c'était important.

Oh man, je savais pas comment l’expliquer, mais le retour de Trent m’enlevait un de ces poids. Je sais que je n’en avais pas l’air comme ça. Cependant, je me faisais vraiment du soucis pour mon entourage. Et ça avait été tellement compliqué d’avoir des nouvelles du guitariste. Maintenant qu’il était à Arcadia Bay, je n’allais plus de perdre de vue, c’était sûr. Puis, je sais pas, c’était une partie des One Brain (to rule them all) qui était réunie, et j’avais beau aimer mon nouveau job, ça me manquait. Bosser les musiques, les enregistrer, les concerts… Et surtout le groupe quoi ! On était devenu comme une petite famille à force !

Pauvre Trent, il devait pas s’attendre à ce que je l’agresse de la sorte vu sa réaction. M’enfin, il valait mieux ça qu’un accueil froid, non ? Je fis entrer Trent en le harcelant de question. Je lui répondis en par un sourire avant de m’exclamer :

- Ouais, c’est plutôt cool. Je vais rien dire, j’ai fais la même que toi du coup !

J’accompagnais ma phrase d’un petit rire. C’est vrai qu’après la séparation du groupe, j’avais aucune idée d’où aller parce que, je n’avais pas du tout de plan B. Si j’avais échoué à Arcadia Bay, c’est parce qu’il s’agissait d’une ville que je connaissais, je savais que je me sentais bien ici. Et il y avait Brooke aussi alors, ça avait fini de me convaincre.

Apparemment, Trent ne voulait pas sortir les violons, mais un peu quand même. Il s’excusa et me proposa ses services en retour. C’était adorable, je n’en demandais pas tant. Je fis une grimace, secouant la tête avant de lui répondre :

- Mais qu’est-ce que tu raconte mec, arrête ! Tu me dois rien ! C’est normal, il faut bien quelqu’un pour s’occuper de toi baby-boy ! Puis j’suis sûr que les situations auraient été inversées t’aurais fait pareil pour moi ! Te fais pas de soucis avec ça vraiment !

Je lui accordais une tape amicale sur l’épaule. Mais non, je ne méritais rien. Je n’en avais pas fait tant non plus. Il ne fallait pas exagérer. Puis merde, c’est normal d’aider et soutenir ses potes !

- Sérieusement, j’en aie pas fait tant, c’est toi qui a fait et fait toujours le plus difficile ! D’ailleurs, si t’as besoin de quelques part où dormir, tu peux squatter ici sans problèmes ! Bon ma coloc risque de râler, mais elle râle tout le temps… Et elle est pas si méchante au final, tu verras…

Bon c’était Ophelia quoi… Elle était spéciale, mais c’est pour ça qu’on l’aime. Tout du moins, c’était pour ça que je l’aimais, elle était presque comme ma grande-soeur maintenant. Puis au vu de nos événements récent, j’étais bien sûr à présent que je pouvais compter sur elle à tout moment et qu’elle pouvait compter sur moi, évidement. Et merde, elle n’allait pas foutre Trent dehors non plus ! Pas en plein hivers ! J’ose espérer que ma coloc avait encore une âme !

- C’est pas trop bizarre de revenir ici ? C’est dur de pas être nostalgique n’empêche…

Je lâchais un soupire et me laissais tomber dans le canapé. A en parler, maintenant, j’étais nostalgique et que ce groupe me manquait putain…