Johan Nikki MacKallan ~ Dans l'oeil du cyclone

On m'a toujours raconté que chaque vie est une histoire...qui commence écrite par des mains qui ne sont pas les nôtre, et lorsqu'on devient assez grand on devient maître des lignes de notre existence. Pas de Dieux, pas de Destinée...une seule plume qu'on est libre de manier.

Foutaises.

Ma mère est bien gentille, mais elle se trompe. Elle son optimisme, sa croyance en un monde meilleure si on sourit et qu'on fait face à nos peurs. J'ai beau y faire face, chaque fois que je la regarde, moi ce que je vois c'est tout ce que je n'ai plus. Je lui en veux enormement d'avoir choisi pour moi cette vie dont je ne veux pas. Je n'ai jamais eu mon mot à dire dans cette histoire, et elle a choisi pour moi. Pourtant j'étais assez grand pour le faire non? En tout cas moi je pense que je l'étais...

Des détails? Ouais vous allez en avoir...mais je suis un peu avares, surtout de mots.

Ma mère s'est retrouvée, les livres seuls savent comment, au Japon après de nombreux tours et détours et voyages d'un point à l'autre du monde.
Cet homme qu'elle a recontré était un vrai con...je n'ai pas peur de le dire. Il parait que j'étais un petit miracle, un don du ciel, qu'elle n'esperait pas. Tout ce que j'en sais c'est qu'entre les caresses relativement violente de mon idiot de père et sa santé fragile, ma naissance ce fut pas facile.
Je ne me souviens pas du debut de ma vie, mais je me souviens de ce sourire doux tandis qu'elle me sert dans ses bras. Et du regard sevère de mon père qui me commande sans aucun mot de me taire. Je tremble, j'ai peur.
Elle est comme lui, j'en suis sur. Elle cache sa malveillance derrière son sourire d'ange. Mais je deteste ses gestes d'affections...je les hais parce que chaque fois que j'en reçois, après mon père vient me coller des baffes. Mon père n'était pas du genre tendre. Vous comprenez c'était ma "faute" si ma mère ne le regardait plus comme avant, j'étais plus important à ses yeux. Une histoire basique hein...


Deux ans plus tard, elle me serrait contre elle, en fuyant dans la nuit. Quand je me suis réveillé, nous etions dans un avion. Oh elle ne m'a pas kidnappé. Elle a sauvé ma vie. Elle a veillé sur moi...depuis ce jour maudit. Mais j'ai pas eu mon mot a dire. Tout ce que je me souviens de cette nuit la c'est que j'ai recolté une belle balafre sur le crâne, bien qu'elle soit dissimulée sous mes cheveux.

Elle sourit à chaque fois qu'elle me voit. Elle parle avec moi. Je suis resté muet des années. Enfermé dans un mutisme boudeur. Les histoires qu'elle me racontaient, celles que j'ai lues dans ses nombreux carnets...aucunes ne m'a jamais rendu la parole. La première fois que je lui est parlé...je lui ai dit que je la detestait et que je voulais qu'elle meurt. Je sais que je lui est fait mal. Mais je suis pas du genre a m'excuser. Elle m'a arraché a ce cercle de violence en quittant ce pays qu'elle disait tant aimer. Avec un fardeau. Moi. Des fois je vois la fatigue dans ses yeux, je vois son épuisement, et je lui en veux encore plus de faire semblant d'être heureuse. Je sais que je suis un poids pour elle. J'aurais preferé qu'elle m'abandonne, à mon sort. Mais elle est trop gentille pour ça. Ou alors elle refuse d'être comme "lui".


J'ai commencé a parler, je devais avoir douze ans. Mon apprentissage du langage fut compliqué. Elle ne savait pas si elle devait me parler dans sa langue natale ou dans la mienne. Du coup je suis bilingue. La seule chose qui m'arrachait des mots c'étaient les photos. Et elle l'a bien comprit. J'ai eu mon premier appareil ce jour là. Et elle arrivait à me faire parler le soir, en me demandant de lui expliquer ce que je capturais dans cette "boite à images". Et ça marchait. Mais j'étais enfermé dans cette boite, et je ne parlais à personne. A l'école j'avais pas d'amis, et je me bagarais sans cesse. Et ma mère se battait souvent avec ses propre parents chez qui on vivait. J'étais pas un enfant facile, et elle m'a assumé jusqu'au bout, sans jamais baissé la tête. Sans jamais me lever la main dessus. Mais pourtant j'arrive toujours pas a lui pardonner. Je suis un fils indigne n'est-ce pas? Pensez le, ça me passe au dessus...

Puis on est venu vivre ici. Parce qu'elle se bien ici et qu'elle y a des bons souvenirs et des gens qu'elle connait. Que cet endroit lui a permis de se reconstruire et d'avancer. Et quoi? Elle veut que je fasse pareil? Comme si j'en avais quelque chose a faire de ce coin paumé...mais bon y'a une super école, et une filière photo. Elle sait que je passe des heures l'oeil coller à mon appareil...au fond, elle me connait mieux que ce que je veux bien croire. Peut-être...peut-être qu'elle veut mon bien...mais je m'en fiche...parce que moi...moi je...


Je vous dirais pas le fond de ma pensée cherchez pas. C'est tout ce que vous avez besoin de savoir sur ma pitoyable existence. Comme elle dirait. Ma vie commence aujourd'hui hein?